La mort des sols agricoles, (inspiré d'articles du site Rue 89)

Pour un chasseur de petit gibier, la gestion d'un territoire de plaine est une immersion permanente dans la vie de la nature. Sur un plan agricole, nous voyons ainsi comment les sols sont travaillés, semés, traités, nous suivons la croissance des cultures, notons les différences et enregistrons la gestion des chaumes, des adventices, des intercultures. Avec l'absence de froid hivernal pour casser les labours et rendre le sol meuble avant semis et la persistance de la sécheresse, un constat saute actuellement aux yeux, plus que jamais la terre est compactée, certes propre mais sans vie ni oxygène, avec une croissance des plantes irrégulières, selon la nature des sols.

Pas besoin d'être expert agricole, la triade "labour-engrais-pesticide" enseigné par les lycées agricoles, sur préconisation de l'INRA (Institut National de Recherche Agronomique) arrive vraiment à bout de souffle.

C'est visuel, le déficit en pluie fait plus que jamais ressortir que les sols travaillés depuis des décennies au tracteur de 300 CV pour tirer une charrue sont morts. C'est indéniable que le modèle "marque de tracteur-phytosanitaires-quintaux à l'hectare" enseigné sur des générations, est à changer.

Plus de 70% de notre territoire national c'est de l'agriculture, autant dire que Bruxelles et ses politiques agricoles, que les Chambres d'Agriculture et ses conseillers, que les agro-alimentaires et les grands fabricants de matériels agricoles qui sont derière les choix de production faits, portent une lourde responsabilité dans l'état de notre terre, la santé des agriculteurs et forcément de nos assiettes. Il serait pourtant étonnant qu'un jour, comptes leur soit demandés.

"Le changement, c'est maintenant" paraît-il ? Si la sécheresse devait encore persister, des agronomes, comme Lydie et Claude Bourguignon, considérés longtemps comme des "alternatifs", seront peut être moins dédaignés et leur credo du semis-direct plus écouté.

Il est dit qu'un "optimiste perçoit une opportunité dans chaque difficulté, alors qu'un pessimiste voit de la difficulté dans chaque opportunité". Il est clair qu'il ne sera pas facile

• de changer des années de pratique axées d'avantage sur l'enseignement de la mort de la terre par les pesticides plutôt que la vie et les lois du sol,
• de faire sortir les exploitants du mythe du labour et du gros tracteur qui va avec,
• d'enlever la crainte injustifiée d'une chute de rendement
• d'accepter des bleuets dans les champs qu'on veut propres aujourd'hui grâce aux désherbants
• d'aller vers la rotation des cultures en lieu et place de la même plante, comme le maïs chez nous
• de limiter les apports en engrais
• d'aider la terre à se régénérer elle-même.

Alors, même si dans mon jardin, jour après jour, je dois transporter des arrosoirs vers le potager, je ne verrais pourtant pas d'un mauvais œil la poursuite de la sécheresse actuelle, si en contre partie des consciences plus écologiques peuvent s’éveiller pour changer notre rapport à la nature et à son exploitation. La petite faune, "la biodiversité " comme on dit, saura apprécier.

Et puis ne dit-on pas que " im e trockene Yohr, esch noch ne e Buer verreckt " que dans une année sèche, aucun paysan n'est jamais mort ?