Pour clore avec les mémoires et le passé à Diebolsheim, un portrait de son régisseur paru également dans la revue France Territoires Magazines :
"Né avec le siècle dernier, son fabuleux destin bascule le jour où son ami Schaffner d’Obenheim lui suggère de proposer ses services à un homme nommé comte Jean de Beaumont. Deux hommes de caractère vont alors se rencontrer, puis s’unir autour d’une passion commune, la pratique de la chasse.
1951 sera son « millésime » avec la naissance de son fils et le départ dans une nouvelle vie, celle dont il rêve depuis toujours : au grand air, dans les métiers qui le passionnent, la chasse, la pêche. A part la mécanique, il sait tout faire. C’est sa force, celle qui lui permet de devenir « d’Chef » auprès de tout le personnel qu’il dirige. « Le secret du commandement, c’est de savoir faire soi-même ce qu’on exige des autres» aime-t-il à dire. D’une grande humilité, il sait laisser le devant de la scène aux autres. Il préfère se faire discret et n’intervenir qu’à bon escient. Mais lorsqu’il ne partage pas la vision du comte, il sait aller au bout de ses convictions, de ses responsabilités. Sa réussite personnelle n’est pas de côtoyer intimement les grands du monde, de Bao Daï, Pompidou, Giscard, au shah d’Iran, les Maharadjahs, à l’aristocratie française ou la jet set, mais d’obtenir peu à peu l’écoute du comte. De hiérarchique, leur relation devient complice, fondée sur une grande estime mutuelle. Pour finir, il devient avec le temps, l’ami du « Patron ».
Comme guide de chasse, il est très courtisé pour les sorties au brocard. Partir à la pirsch avec lui, c’est pour l’invité retenu un succès garanti, sauf s’il ne se comporte pas en chasseur. Alors il applique le vieux dicton allemand « qui marche beaucoup, voit beaucoup, qui s’assied beaucoup, tire beaucoup ». Aujourd’hui, il y a prescription, mais certains, grands ou petits, en ont fait des kilomètres avec lui ! D’autres nombreux comme Dany Robin et Georges Marchal, le Président VGE, Guerlain, le comte d’Ornano ont quant à eux garni de trophées les murs de Diebolsheim.
Enfin, si Diebolsheim symbolise avec lui la corne d’abondance, c’est aussi parce que, dans les mauvaises années, sur la base des rapports des gardes et de ses propres sorties, il sait obtenir l’adhésion du comte pour diminuer les prélèvements.
Les dates, le mode de chasse, le nombre de fusils, leur qualité de tireur sont fixés au cours d’une véritable réunion d’état major, d’où partent seulement après de Paris, les invitations. Rien n'est laissé au hasard jusqu'à la météo qui le fait, selon le cas, changer le matin même le programme prévu.
Si la chasse était son cœur de métier, le jardinage, les roses, la pêche, la cueillette des morilles n'avaient pas de secrets pour lui non plus. C'est qu'il aimait aussi bien manger et surtout partager sa table, faire rire les amis. Rien d'étonnant que deux passionnés de produits et de terroirs se soient alors rencontrés, l'un pour fournir les plus grands brochets et truites, ou les bécasses et perdreaux, l'autre pour les sublimer, Paul Haeberlin à Illhauesern.
A l'heure où beaucoup parlent de "qualité de vie", lui la vivait".
C'était mon père.