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La période des battues reste souvent un moment privilégié pour observer en interne les comportements de notre milieu, tout comme la discussion avec des gens externes permet de mieux comprendre les écarts de perception de nos actes. Une grande partie de l'incompréhension qui nous entoure vient sans doute de l'image que nous dégageons, mais aussi du décalage entre les représentations des uns et des autres sur "le fait" de la chasse.

Le mot "chasse" englobe trop de choses différentes qui du coup facilite par trop les amalgames. En chasse individuelle, le fusil à l'épaule ou rangé dans sa housse dans la voiture donne à penser au non chasseur croisé dans la campagne ou la forêt qu'un "méchant homme est encore en route pour tuer les gentils animaux. Pas forcément.

Porter une arme ne signifie pas obligatoirement qu'on est "en acte prévisionnel" de chasse. Cela peut aussi tout simplement dire qu'on est en chasse de prélèvement, soit sans intention de tuer, mais uniquement en situation potentielle de tir, selon la rencontre.

En chasse collective par contre, point de doute laissé sur les intentions des chasseurs, à savoir "abattre des animaux", selon la définition commune de la chasse.

Reste la manière de pratiquer la chasse dans les deux types d'actions et qui elle, sur un plan de la sémantique, relève de la "cynégétique", soit l'art de la chasse. Mais de cela le rurbain n'en a que faire, sa perception est celle d'une rencontre d'un individu ou d'un groupe d'homme presque sur le pied de guerre, avec des fusils à lunettes comme des snipers, des treillis camo ou des vestes rouges, en complète dis-harmonie avec la nature. Pour peu que les gros 4X4 ne soient pas loin et l'image est faite...

Par ailleurs, dans le concept global formalisé linguistiquement par le mot "chasse", deux mondes séparent aussi de plus en plus et cette fois en interne les chasseurs, celui de la chasse dite au "grand gibier" et celle au "petit gibier".

Même si 1789 a passé par l'histoire, la chasse au gros garde encore l'image moyennageuse d'une chasse réservée aux nobles, aujourd'hui on dira plutôt les "aisés" et celle "au p'tit", plus dédié à ce qui reste.

On ne peut nier de fait une certaine condescendance existant ça et là. Avoir une chasse de cerfs, qui plus est de C3 avec des vieux coiffés, avec quantité de sangliers autour "classe" autrement son homme que d'être partenaire d'une chasse de plaine, dans un désert cynégétique.

Dans une ancienne interview dans le journal, les Dernières Nouvelles d'Alsace", le Président du Fonds Départemental d'Indemnisation des Sangliers du Bas-Rhin, certainement inconsciemment, a parfaitement illustré cette réalité quand il a fait remarquer : " les chasseurs en plaine n'ont quasiment plus de gibiers et sont donc bien contents d'avoir du sanglier à tirer". Autrement dit, remerciez-nous qu'on vous laisse des restes à tirer.

On retrouve cette même idée lorsqu'il est dit pour justifier l'existence d'un timbre sanglier que le chasseur de base, non adjudicataire ou non partenaire, est bien heureux d'être "invité" en forêt pour chasser le gros.

Quelque part la notion de chasses d'apparat et de prestige si prisée au Second Empire reste ainsi encore présente sur le terrain. Aujourd'hui une chasse moderne de niveau, c'est l'obligation d'avoir beaucoup de "gros", un chalet à défaut de pavillon, des aménagements "chamboriens" pour le "tiré", des installations accessibles facilement en voiture, un traiteur de qualité à défaut de repas tiré du sac, etc..., soit toute une organisation lourde qui laisse peu de place à l'improvisation.

Nous sommes loin de la chasse de copains qui se retrouve par exemple en hiver sur un simple coup de fil, à 10 h du matin, suite au pied fait dans la neige, du groupe d'amis rassemblé à midi autour d'un bon feu pour faire griller le lard, du partage des quelques pièces de venaison et autres clichés conviviaux que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître.

Il n'en reste pas moins que si l'on écoute attentivement les dires des uns et des autres, une certaine saturation commence aussi à émerger dans les têtes des "invités de base" ou "figurants" amenés à garnir avant tout le "chapeau" à coups de quarante euros, sans pour être, comme on dit, "au robinet", les places de choix étant réservées à d'autres types "d'invités".

A force de nous égarer, de modéliser des concepts de chasse commerciale, de nous vendre à l'argent et au business, la chasse est en passe de perdre son âme, ses valeurs profondes qui demandent aujourd'hui de penser plus sauvegarde du gibier naturel que loisir.

Quelle chasse voulons-nous ? Une chasse d'entreprise, une chasse de tiré où le score personnel et le tableau dominent ou une chasse qui défend avant tout une "conscience écologique". Sans une pratique irréprochable, en tout cas défendable, nos détracteurs "plieront" les politiques. Sans nous la faune sauvage perdra ses habitats et ses espaces vitaux.

La partie ne se joue pas dans les choix politiques de nos instances cynégétiques, elles seront toujours "réactives", rarement "actives" et quasiment jamais "anticipatrices". La partie se joue sur le terrain, par nos choix locaux.

2015-2016, c'est demain. Or c'est là que se jouent les orientations de la chasse future avec les nouvelles adjudications. Si l'argent et pourquoi en serait-il autrement, reste le maître de cérémonie, l'artificialisation de la chasse s'accentuera, le fossé entre territoires nobles et territoires de gueux se creusera. Le grand perdant ne sera jamais le chasseur à budget, il se repliera si nécessaire sur d'autres territoires ou les chasses privées clôturées, mais la faune sauvage, otage de notre superbe pour assouvir le "tiré".

"On aime mieux la chasse que la prise"

Blaise Pascal

Quand le tiré restait de la chasse

Tag(s) : #Faune-Nature-Ecologie et Chasse, #Abolir la chasse, une lutte finale ?
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