Agriculture vivrière dans un passé pas si lointain, agriculture industrielle aujourd'hui. Pendant longtemps, le salon de l'agriculture a pu faire croire au pays que "Heidi était encore dans les prés". Mais petit à petit, l'image bucolique a sacrément jauni et si le lait est toujours blanc, il n'a plus rien à voir avec celui de notre enfance, sécurité alimentaire, comme on nous dit, oblige.
Aujourd'hui, l'agroalimentaire domine le panier de la ménagère pour des tas de bonnes et mauvaises raisons et ce n'est pas demain qu'il y aura un retour de balancier. Les marchés locaux, bios ou pas sont essentiellement de simples niches pour une petite clientèle particulière.
Le gros des troupes ne veut plus se donner le temps d'aller faire ses courses en ouvrant à répétition le porte monnaie devant les différents étales; il est tellement plus simple de payer en une seule fois dans le supermarché, de passer par un drive ou le plat cuisiné surgelé déposé à la maison sur simple clic.
Que derrière, il y ait un coût plus élevé pour les ménages, que l'obésité, le diabète ou le cholestérol deviennent un fléau sociétal, que cancers à tous âges et en tous genres remplissent les cimetières dérange certes ou inquiète, mais le plus souvent le temps d'un reportage, d'un talk show ou d'un scandale d'une filière alimentaire, puis on oublie et on reprend ses habitudes." Le changement", c'est plus qu'un slogan, c'est un état qui s'obtient difficilement et ce n'est pas "François" le président qui va nous contredire... Il en est de même pour la nourriture et les habitudes d'achat ou de vie prises par chacun.
Le besoin de nourrir chaque jour une population citadine a mis en marche, sur le modèle U.S., le mouvement des achats de produits transformés par l'industrie. Le temps à passer pour cuisiner "la bouffe" ne représente plus aujourd'hui une part prioritaire ou importante du quotidien pour une grande partie des populations développées. L'éclatement journalier de la structure familiale avec l'enfant à la crèche ou à la cantine de l'école, les parents à celle de l'entreprise, les retours étalés de chacun à la maison, "les vieux" en maison de retraite au lieu de pouvoir assurer comme par le passé l'intendance du temps où la famille restait "composée", font que la "contrainte alimentaire" soit mise de plus en plus au dernier rang des priorités quotidiennes, faites avant tout de "métro-boulot-dodo", de demande de loisirs et de multimédia.
Ce mouvement d'uniformisation de la "bouffe" a été lancé par l'industrie agroalimentaire, à travers un besoin créé par le marketing, car il faut bien se nourrir chaque jour et si possible sans perdre trop de temps pour remplir une assiette. Sur ce coup, le balancier ne reviendra pas en arrière, il permet tout juste à des Jean-Pierre Coffe ou des chaînes de télé d’occuper un espace.
Directement en lien, ce besoin de produire des matières premières agricoles pour l'industrie a mené à la déconstruction progressive de notre paysage, malgré des injonctions visionnaires au sommet même de notre Etat, comme celle de notre ancien Président de la République-chasseur, Georges Pompidou en 1970 : "le sauvetage du paysage français doit être une de nos préoccupations constantes et primordiales". Que reste-t-il aujourd'hui de ce mot d'ordre ? Des massacres à la tronçonneuse, des milliers d'hectares passées sous la pelleteuse, une France de ronds points et de zones commerciales, des mornes plaines, des productions agricoles détournées vers la production de biomasses etc... Là encore, pas d'espérance de retour de balancier.
En bout de cette chaîne destinée à transformer notre agriculture en "pétrole vert" à coups de compétitivité, tout naturellement, la chasse s'est aussi déconstruite. Personne ne conteste plus aujourd'hui les impacts écologiques provoqués par la surexploitation de la terre sur la faune, la flore et toute la biodiversité. Si la France n'était pas également un grand territoire boisé, la chasse en milieux ouverts et non artificiels n'existerait pratiquement déjà plus. C'est le sanglier qui a sauvé le soldat saint Hubert. Sans son extraordinaire capacité de prolifération et d'adaptation, l'affaire serait pliée depuis longtemps et bien des fusils rangés dans les râteliers.
Mais là aussi, le déclin de la surabondance semble proche, en même temps que le chevreuil et le cervidé.
Aujourd'hui, le gros de nos troupes de chasseurs locaux ont compris que le balancier du retour du petit gibier ne se fera plus. Même les quelques territoires qui ont encore quelques lièvres ou faisans au point de pouvoir en prélever quelques-uns sont décidés à tout lâcher car le plus souvent ils se retrouvent dans un secteur à "cochons" avec une variable FIDS 67 qui les raquette, soit avec des risques de dégâts de petit gibier ou de chevreuil qui les tuent, sans compter la difficulté à trouver et fidéliser des partenaires de chasse de plus en plus "volages" au regard du ratio coût/retour de tableau personnel.
Aujourd'hui, le balancier nous revient non seulement en plein visage, mais en plus sans alternative pour lancer une nouvelle bille de Newton qui permettrait de rebondir vers un autre projet de chasse. Lisez les nouvelles orientations du Ministre de l'Agriculture, Stéphane Lefoll, autour de la relance de l'agroécologie, vous n'y trouverez rien sur le "vivant" que compose la faune sauvage, à l'exception des abeilles.
Regardez bien la mise en garde que vient de faire en assemblée générale Franck Sander, le Secrétaire Général de la FDSEA 67, "il est temps d'intégrer plus d'économie dans le second pilier de la PAC avec des mesures qui défendent autre chose que les papillons et les petits oiseaux"...
A moins d'être un super optimiste, il est clair que le mouvement autour du maître mot actuel de nos élus, "compétitivité", traduisez "pognon", est inexorablement en marche, à moins que le "consommateur" que nous sommes tous, refuse de suivre le mouvement. Ce serait assez amusant pour une seule raison simple, c'est que tout ceux qui nous imposent leurs décisions sur la manière d'exploiter la terre se justifient toujours derrière le consommateur, qui serait d'après leurs affirmations, le demandeur...
Alors, puisque nous sommes la clé, demandons le respect du consommateur que nous sommes, qu'on cesse de nous "considérer comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter », comme l'a rappelé le Pape François dans sa première exhortation apostolique "Evangelii gaudium", qu'on promeuve réellement la gestion équitable et durable des ressources alimentaires pour le bien être, la santé de l'homme et de la nature, bref qu'on sacrifie "le veau d'or". Maintenant, on peut toujours y croire...
"La loi d'avenir va permettre d'engager l'agriculture française dans une nouvelle ambition autour autour de la compétitivité économique et de la performance environnementale et favorisera la transition vers un modèle agroécologique, le renouvellement des générations et une nouvelle relation de l'agriculture à la société toute entière". Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture
C'est beau, non ?
Le projet agroécologique français