La Covid et ses mesures de confinement ont amené le politique à classifier la chasse en deux catégories : le "loisir" et la "destruction", demandant aux chasseurs de la première de rester à la maison et à ceux de la deuxième de "remplir des missions d'intérêt général". En fin d'année 2020, un assouplissement du confinement a encore accentué davantage la classification de la chasse loisir, en rangeant par décret le chasseur dans un troisième espace, "la pratique sportive", au même titre que le joggeur , le randonneur ou l'adepte de la petite reine. .. Peu de monde s'est alors ému de ces changements touchant à la légitimité de la chasse, au contraire beaucoup d'instances se sont félicitées d'avoir pu rendre possible, voire sauvé le déroulement hivernal des battues. Le politique a ainsi définitivement élevé la chasse au rang d'une mission de service public, l'air de rien. Au passage, il a aussi et encore renforcé les convictions de nos opposants habituels que le lobby de la chasse continue à obtenir des passe-droits, là où il est demandé au citoyen de base de rester chez soi et ainsi d'être privé de nature. Cette opportunité de bouger les esprits en masse porte un nom, l'instrumentalisation.
Mais, comme le dit la vie, "un malheur vient rarement seul" et de récents arrêtés préfectoraux dans le Haut et dans le Bas du Rhin autour de la destruction du daim et du cerf, en plus de celle du sanglier ont encore accentué les nouvelles orientations données à la chasse par les confinements successifs. Nul doute permis, le temps est venu de changer le vocabulaire, nous ne sommes plus chasseur, mais auxiliaire de chasse, le nouvel acte de chasse n'ayant plus rien à voir avec nos valeurs fondamentales, très éloignées de la destruction imposée par des tiers sous le poids de la recherche du toujours plus d'exploitation et du gain qui va avec.
Si de tout petit j'ai aimé la chasse, c'est par naissance en son milieu, mais c'est par le lien étroit avec la terre, le sol, les étendues d'eau, les arbres, les êtres vivants qui en dépendent qu'elle s'est imposée à moi. Si plus tard, à l'heure des choix professionnels je lui ai tourné le dos, c'est parce que déjà je n'y voyais plus d'avenir avec la révolution rurale en marche. Maintenant que je bascule vers la vieillesse ou peut-être la sagesse, la chasse telle que "les quelques hommes qui font la loi" me la demande ne peut plus me satisfaire. Encore quelques articles et je passerai le cap des 600 articles sur ce blog, né en mai 2013 d'une humeur de révolte. Mais au bout pour quoi ? Pour un peu de vanité, quelques avancées locales en matière de justice du financement des dégâts de sangliers, quelques éveils de mauvaises conscience, quelques alertes, coups de gueules pour lâcher des trop pleins hydrauliques ? Au final du temps perdu pour une communauté divisée, à l'image de la société toute entière. Seule consolation peut-être, le sentiment d'avoir essayé, à l'image du colibri qui apportait avec son bec des gouttes d'eau pour éteindre l'incendie, soit apporter sa part à la terre qui brûle.
La régulation est une conséquence, pas l'acte fondateur qui a fait de moi un chasseur fier de l'être. Le gibier ressource, avec son porte drapeau le sanglier, mais aussi plus discrètement car moins présent sur les lots, le cerf C3, a été le doigt dans l'engrenage des chasses mercantiles qui ont amené toutes les exagérations et abus pendant des années. Nombreux sont les responsables, à commencer par ceux qui en ont tiré profit, les agriculteurs, les forestiers, les communes, l'ONF. Les textes interdisent le prête nom, la sous-location, l'éloignement géographique, le week-end payant, mais qui a demandé, contrôlé leur application, sanctionné les magouilles ? Aujourd'hui encore la triche reste présente aux postes fixes avec des agrainoirs automatiques qui tournent, alors que si la Kirrung était vraiment l'objectif et ses 5L. de maïs par jour, seul un tonneau devrait être utilisé.
Alors, c'est quoi aujourd'hui un chasseur ? Les Inconnus l'ont mis en scène, avec le bon, eux les chasseurs de galinette et le mauvais, les autres ! Plus sérieusement, plus intimement, être chasseur, c'est pouvoir aller vers le dépassement de soi, c'est rechercher et vivre l'authenticité, refuser l'artificialisation de la chasse, "la trophéite", c'est d'être en capacité de contrôler l'instinct de prédation qui reste dans les gènes, c'est contribuer à la préservation des espèces et des espaces, c'est prendre soin de la venaison, c'est le partage d'un loisir de pleine nature, l'occasion de faire naître des amitiés durables. Rien à voir avec l'acte de chasse qui, s'il doit avoir lieu, il faut pouvoir en être fier, pouvoir y coller une histoire, une aventure, loin, très loin d'une destruction programmée, imposée, verbalisée par des autocrates juste détenteurs d'une autorité, pas vraiment d'une compétence.
"Si vous n'avez aucune relation avec la nature alors vous n'aurez pas de relation avec l'homme. Les champs, les forêts, les rivières, les arbres, toutes les merveilles et beautés de la terre, c'est la Nature. Si cela ne vous dit rien alors nous ne pourrons jamais avoir de relation les uns avec les autres".
Krishnamurti