Le décor
En bordure de village à Betschdorf et Schwabwiller, trois implantations de peupliers, les derniers hauts arbres sur la chasse, et autant de dortoirs pour les corbeaux freux, autant de nuisances sonores pour les riverains, autant de points de départ vers les champs et les semis de maïs.
Les faits
Le 14 mai au soir, mon adjoint, piégeur, garde, homme de base dans la dissuasion de nuit des sangliers, bref ami sans lequel la gestion d'un territoire n'a de sens, d'efficacité et d'intérêt, a fait, pour répondre aux sollicitations des riverains et des agriculteurs, comme depuis des semaines, un affût de corbeaux à partir d'un jardin proche, appartenant à un ami.
Jusqu'au cinquième tir tout allait bien, quand subitement les choses se sont gâtées avec l'arrivée d'une douzaine de gendarmes armés pour l'interpeller, suite à un appel téléphonique du voisin à la gendarmerie et la mise en alerte du GIGN...
Résultat
Une procédure pour "chasse sur territoire d'autrui" et donc risque de retrait du permis de chasse et perte de l'arme...
Mon constat et sentiment
Comme le répète nos politiques, "laissons faire la justice", en toute confiance. Maintenant, je ne peux m'empêcher de faire plusieurs observations :
- quand la machine est en route, vous n'arrêtez plus rien, on n'écoute plus personne; au départ ce qui aurait pu se régler par quelques coups de téléphone de vérification finit par une enquête approfondie comme pour un malfrat, avec prise de photos de face et de profil, relevé d'empreintes, auditions.
- comme souvent dans ce genre de situation, le malheur a voulu que je sois évidemment en déplacement toute la semaine à Clermont-Ferrand, et l'adjoint au Maire en charge des questions de sécurité à Metz, mais pourquoi, à l'ère du portable, ne m'a-t-on contacté soit du côté de la gendarmerie avec qui nous avons collaboré à plusieurs reprises sur des affaires de vols et de plantations de cannabis, soit de l'ONCFS ? Mais voilà, l'affaire était traitée non par la brigade de proximité qui nous connaît, mais par celle la plus éloignée du lieu.
- la chasse n'est pas forcément la tasse de thé des gendarmes. Moi je veux bien, mais dites moi comment on fait pour accrocher des CD dans des branches de peupliers de soixante mètres de haut ? En rappel par hélicoptère ? Ça amuserait certainement les corbeaux, mais de là à les faire fuir. Même les étourneaux dans les cerisiers s'en moquent.
- pour une fois, rien à dire contre l'invasion dans nos vies du numérique, sans la "bureautique à distance", je n'aurai pu transmettre de Clermont l'autorisation préfectorale de tir des nuisibles avec la liste des tireurs déclarés sur laquelle figure évidemment mon ami.
Epilogue
Reste à espérer que cette aventure aura pour épilogue un classement sans suite. Tout laisse à penser que ce sera le cas, l'arme ayant déjà été restituée à son propriétaire et que le véritable fond de l'affaire repose en fait sur une querelle entre les deux voisins pour une question de mitoyenneté...
Il n'en reste pas moins que la problématique reste entière. Dans le futur Cahier des Charges, article 29, Réduction des nuisibles, à la demande de la FDSEA, l'adjudicataire aura bientôt l'obligation " : indépendamment du plan de chasse, de réduire le nombre des animaux nuisibles afin de respecter un juste équilibre agro-sylvo cynégétique et biologique. Il devra, le cas échéant, solliciter les autorisations nécessaires ou effectuer les déclarations prévues par les dispositions réglementaires en vigueur. Cette obligation s’exerce sans préjudice des droits des propriétaires,possesseurs et fermiers".
En clair, il faut entendre par là l'ensemble des espèces figurant sur la liste des nuisibles, avec une priorité toute particulière aux sangliers bien sûr et aux corbeaux. Adieu au chasseur, comme répété à maintes reprises sur le blog , bienvenue par contre au régulateur.
Dans cette redistribution des rôles et en perspective des nouvelles adjudications, une seule question ne peut que se poser à partir du moment où on veut tout mettre sur le dos du chasseur pour que les arbres poussent tranquillement en forêt et les épis en plaine :
pourquoi le faire payer encore cette mission de service public, voire le faire prendre des risques de perdre son permis, au titre d'une passion qui a de moins en moins d'attrait et de compréhension ?
L'avenir nous dira bientôt si la chasse alsacienne sera encore suffisamment perçue comme "attractive" pour attirer des candidats à la location, malgré un cahier de doléances agricoles et forestières totalement "à charge", autrement dit s'il y aura encore beaucoup de c... prêts à se lever le matin dans le monde de la chasse...