Je regarde la vie "heureuse" échapper à plus en plus d'hommes, leurs visages se durcir, leurs regards se fermer, leurs têtes se pencher sur des écrans et des claviers, leurs pouces se faire "dactylo".
Je regarde la haine de l'autre se déverser dans le monde, la stupidité gagner les galons qu'elle ne mérite pas, l'expression personnelle se libérer sur tout, sans retenue, pour croire exister.
Je vois l'aigreur se frayer les chemins du cœur de plus en plus d'hommes, je les vois ne plus s'aimer, être contents d'eux, pris dans la spirale du négatif distillé à longueur de jours, à longueur d'ondes.
Je regarde le monde s'uniformiser à travers des standards dictés par l'influence du futile, de la cupidité, des modes et autres tendances lancées dans des officines parce que "nous le valons bien".
Je vois un monde, dit nouveau, conquérir la planète, faire perdre l’âme aux civilisations bâties par le temps. Je le vois tuer les campagnes, toucher les entrailles de la terre, de l'air, des eaux et des hommes, les profondeurs de l'univers.
Je regarde la fuite en avant des terrestres, mal dans leur peau, dans leur tête. Je les vois se réfugier dans la certitude qu'à chaque maux il existe un produit guérisseur miracle, oubliant de vivre sainement, de se lever lorsqu'il est l'heure, de se reposer lorsqu'il est temps de se coucher.
Je vois le rythme circadien se perdre dans la nuit des temps, beaucoup croire que la frénésie de vivre la nuit peut rattraper la misère du jour.
Je regarde le lent endormissement des têtes, l'intelligence devenir artificielle pour façonner l'homme instrumentalisé, les "idiots utiles", si faciles à tromper pour que quelques-uns dictent leur loi à un intérêt général spolié.
Je vois des hommes parvenir aux sommets des pouvoirs, sans mérite, classe ou qualité, entourés d'ombres, d'influences, sur des promesses de jours meilleurs, avec des valeurs à soi et aux autres faites pour conquérir et tenir le pouvoir.
Je regarde les hommes choisir de couler la nature dans le béton pour enfermer les masses dans des mégapoles, sans entendre le chant des oiseaux qui se meurent, qui se perdent la nuit dans les migrations d'un ciel constellés de milliards de lumières artificielles.
Je vois l'univers des grands animaux condamné par ce mot brutal sans âme, tellement galvaudé par les discours des puissants, "la croissance", oubliant que nous sommes le maillon faible et ultime de la chaîne de la vie.
Je regarde le pillage des univers marins noyés de détritus, aux eaux réchauffées par l'hyper-activisme, aux vagues envahies par ces "rois des mers", les bateaux-paquebots, gaziers, pétroliers et autres porte-conteneurs.
Je regarde le monde agricole protester contre son "bashing" au regard de son impact sur la nature. Désolé, je ne peux "pleurer" avec vous, au regard de ce que je vois sur mon territoire de chasse au petit gibier et l'absence de toute conscience écologique qui vous amènera vers la fin de la chasse louée, faute de gibier, d'espace vital suffisant et accueillant pour la faune et de choix de participer à la sauvegarde de la biodiversité. Dans vos actes vous oubliez tout simplement que "vous faites partie de la nature et que vous ne la possédez pas" ou que "l'argent ne se mange pas". La même conclusion vaut pour les forestiers.
Je vois les glaces s'effondrer, fondre l'espace vital des ours blancs et des peuples indigènes, avec pour quelques-uns la perspective de pouvoir exploiter sans limites les richesses de l'univers du permafrost.
Je vois à ma porte des monticules gigantesques de terres, arrachés au grenier à grains d'or de l'Alsace pour poser des viaducs de bitume et faire de mon pays un "corridor à camions", fleuri de bases logistiques à poids lourds pour assurer des transhumances de produits d'est en ouest et du nord au sud de l'Europe.
Je regarde sortir de terre des concepts pour capter le temps de shopping de l'homme volé, "à l'insu de son plein gré", de son libre arbitre.
Je regarde "la ludicité", pour ne pas dire "gaming", manger le temps des enfants, conduire au repli, à travers des jeux où tuer et détruire devient divertissant, fascinant.
Je vois la famille aller à vau-l'eau sous la charge du quotidien, de l'évolution sociétale et de ses mœurs pour un bienfait individuel et collectif sans garantie. Je vois les couples se faire et se défaire au fil des rencontres, "le pire et le meilleur" n'étant plus de mise, plus qu'une promesse qui n'engage plus rien.
Je regarde le cœur des femmes devenir plus pierreux, pour vraiment accéder à une vie plus libre et heureuse ?
Je regarde combien l'homme ne retient rien de son histoire, de son passé. Il ne veut plus de guerres, mais continue à s'armer et à faire perdurer des foyers de haine et de vengeance ancestraux. Les religions parlent toutes d'amour de l'autre, mais continuent à remplir les cimetières, à terroriser au nom d'un dieu qui n'existe pas. Ses complexes militaros-industriels arment les discours des dirigeants pour justifier leur enrichissement planétaire à travers des dépenses à donner le vertige, susceptible d'éliminer la misère dans le monde entier.
Je regarde combien nos petits sont amenés à grandir trop vite, à être privés trop tôt de l'insouciance que nous offrait l'enfance, à devenir des prématurés d'une société façonnée.
Je regarde en cette période de féeries de plus en plus hollywoodiennes, combien les traditions ou le rêve sont exploités pour drainer les foules vers la carte bancaire. Qu'il est loin le temps de l'arbre aux pommes rouges, des "bredele", de l'orange et de la banane. Qu'il est affreux ce temps où les cadeaux sont revendus dès le lendemain ou boudés par des enfants gâtés.
Je regarde l'eldorado des réseaux sociaux sortir des "influenceurs"-youtubeurs qui oublient juste qu'ils existent parce qu'ils ne coûtent rien en budget "Kom" et marketing à ceux qui profitent de leur besoin d'ego ou de volonté d'échapper au travail conventionnel.
Je regarde combien "désormais le paraître et la communication l'emportent sur le savoir vivre et le raffinement".
Je vois la sincérité des hommes s'effondrer comme valeur forte dans la rencontre, l'échange, le rapport à l'autre. Tout est surjoué, scénarisé pour faire du buzz, de l'audience, du like.
Je regarde les paradoxes de la société mercantile et "faux-cul" qui jette dans les têtes des gamins des images suggestives à longueur de clips et de spectacles, mais sort les griffes face à l'exploitation du corps des femmes ou se voile devant la misère du business du sexe.
Je regarde "l'effet fashion" gagner tous les secteurs, cultiver les différences, gominer les visages , "highlihter" les regards, comment au final "la peopolisation" n'est que l'expression moderne, savamment exploitée et orchestrée de l'homme sandwich, de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Je regarde la politique choisie des EHPAD pour dégager les anciens qui ne consomment plus, mais deviennent "coûteux" dans une société qui a fait éclater progressivement la place accordée aux vieux dans la famille.
Je regarde les cheveux gris, sans forcément être dans le besoin, revendiquer que leurs enfants et petits enfants payent leurs dettes des régimes sociaux. Je regarde les jeunes attendre l'âge où ils pourront toucher assez d'argent pour pouvoir se "payer une nouvelle vie", avant d'avoir élaboré un projet professionnel.
Je regarde, mais ne sais, si le pire est derrière nous ou encore à venir ?
Je regarde, je vois, je siffle dans l'océan et ne peux faire qu'une chose, vous souhaiter un joyeux Noël et une bonne année.