A travers l'interview d'une vétérinaire a priori favorable à sa cause, Pierre Rigaux, croisé des temps modernes contre la chasse, a trouvé une nouvelle entrée pour faire vivre son espace social de facebooker, celle du chien. Objectif : toucher les cœurs sensibles du plus grand nombre, à travers la souffrance infligée aux chiens de chasse par les propriétaires, lors de battues de sangliers. Le procédé est cousu de fil de blanc et fait la part belle à l'anthropomorphisme, surtout si les réponses aux questions orientées sont cautionnées par une vétérinaire. Hélas, ça fonctionne.
Que dire aussi des clichés avancés par l'auteur et repris par la spécialiste des soins aux animaux, sur le manque d'intelligence des chiens de chasse aux sangliers ou sur leur vie confinée dans des chenils qui ne leur laisse d'autres choix que de bondir de bonheur sur les bêtes noires, aux dépens de leur vie... Bien sûr qu'il existe encore des chiens de chasse traités à l'ancienne, mais de grâce arrêtons de généraliser, le coup est trop facile. De loup, le chien est devenu à travers les ans un auxiliaire de l'homme avec des rôles différents à remplir qui vont de l'animal de rente, attaché à la chaîne de la ferme pour garder les lieux, au chien de chasse et au chien familier. Largement majoritaires sont aujourd'hui les chasseurs propriétaires de chiens de chasse qui donnent la double appartenance à leur auxiliaire, celle de chasseur et de chien familier, sans la moindre envie ni intention d'envoyer leur compagnon au casse pipe.
N'en déplaise à l'auteur, de plus en plus de gilets protecteurs, qui plus est efficace, équipent aujourd'hui bon nombre de chiens avec risques de contact avec du sanglier. C'est aussi le cas pour les chiens utilisés lors de recherches de gibiers blessés par l'UNUCR où le risque de blessures est le plus fréquent, en dehors des fermes en battue. D'un côté l'auteur s'offusque du recours à l’épieu, mais de l'autre il houspille le chasseur exposant son chien à la mâchoire du sanglier. Sait-il tout simplement comment procéder au cour d'un ferme, avec des chiens encerclant un sanglier blessé ? Voudrait-il qu'à la place d'une dague ou d'un épieu le chasseur prenne le risque de mettre une balle sur un chien lors de la confrontation ? Sait-il encore que par exemple en Alsace, seul un traqueur avec permis et dûment formé est en principe autorisé à porter une arme, en principe le chef de traque, ce qui expose tous les autres ? Est-il prêt à accepter l'exposition d'un traqueur à la blessure, voire à la mort parce qu'il n'est en possession d'un épieu pour faire face à une charge ? Devant un écran ou derrière une caméra il est aisé de critiquer, en "forêt sale" la donne change, tout est plus complexe et aucune situation n'est identique.
Il fut un temps où effectivement bon nombre de détenteurs de chiens de chasse au grand gibier élevaient des lignées dites hargneuses et le jagd terrier en était souvent le porte-étendard. Aujourd'hui, la sélection pousse à ne laisser à la reproduction que des chiens aptes à tenir le sanglier sans l'agresser. La raison est celle donnée par l'auteur et l'interviewée, les frais vétérinaires à répétition rarement donnés soit dit en passant ou la mort au combat prématurée du chien, soit avant reproduction.
Dans toute famille de chasseur, l'auteur semble aussi oublier qu'il y a souvent à la maison une épouse ou des enfants. Poser la question à un propriétaire de chien de chasse au grand gibier quelle est sa plus grande angoisse ? Ne pas rentrer à la maison avec le chien ou gravement blessé, assurément.
L'immense majorité des traqueurs ou chasseurs avec chiens pratiquent leur passion à cause et pour leurs chiens, n'en déplaise. L'interview menée pour provoquer le "bad-buzz" et l'indignation sur des pratiques barbares et sanguinaires est une fois encore un faux procès et tellement facile à conduire. Quant à l'exception juridique accordée aux chasseurs autour de la maltraitance de ses chiens à la chasse par imprudence ou négligence, bravo, bravo, bravo, vraiment du grand art, tout comme l'orientation vers l'idée du chasseur organisateur de combats entre des chiens et des sangliers, alors que ceux entre chiens sont interdits.
Malheureusement, le principe recherché est de faire caisse de résonance, selon le principe des petits cailloux jetés dans le jardin de la chasse. A elle par la suite de faire face, sauf que si l'argument des combats de chiens entre chiens et sangliers et la maltraitance sont avancés sans mollir, pourquoi le monde de la chasse ne pourrait-il aussi affirmer, sans mollir non plus, que le sujet présenté par l'auteur est une provocation ou incitation à la haine dans le climat anti-chasse actuel et sa cohorte dangereusement grandissante d'actes "militants" ?
En tout cas, la question se pose de savoir si à force de harceler, à travers les réseaux sociaux les vilains chasseurs, en les présentant comme des barbares aux pratiques à abolir, on n'est pas responsable de l'extériorisation des violences verbales ou physiques qui se propagent. Des interviews de ce type ne font-elles pas qu'alimenter ceux qui attendent une bonne "raison" pour passer à l'acte ?