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La balance à la place du glaive, ça sera donc aux chasseurs de trancher

Lorsque tombe une décision de justice, le politique s'est donné pour habitude de "ne pas la commenter". Je ne suis pas un politique.

Dans le cas du contentieux opposant en appel le FIDS 67 à une dizaine de membres, dans une procédure longue de quatre ans, il paraît indéniable que la Cour d'Appel de Colmar n'a pas voulu trancher et obliger à une refondation du Fonds d'Indemnisation. Elle a ainsi fait prévaloir avant tout le principe d'équité, en annulant le jugement en première instance qui avait fait ressortir que la "gestion juridique et administrative des assemblées générales et de la rédaction des procès-verbaux est comparable à celle d'une petite association de membres peu formés. Elle n'est pas digne du FIDS". Du coup le FIDS 67 échappe au versement des 3.000€ de frais irrépétibles.

En contre partie, elle reconnaît que l'Union Cynégétique d'Alsace avait un "intérêt légitime au succès de l'action engagée", tout en considérant la demande de cette dernière irrecevable, n'étant pas membre du FIDS 67. Du coup, l'UCA échappe également au paiement des 500€ de frais irrépétibles accordés au Fonds en première instance.

Enfin, la Cour a également fait droit partiellement aux demandes de remboursement des cotisations versées par les plaignants, en condamnant le FIDS 67 à rembourser les cotisations versées au titre de l'Assemblée Générale du 29 avril 2009, ce qui représente tout de même une somme de plus de 7.700€. En revanche, elle condamne les "intimés in solidum aux dépens d'appel". Par contre, pour des raisons difficilement explicables, la Cour a rejeté les demandes de remboursement des cotisations versées au titre de l'AG du 9 janvier 2009, considérant qu'il "n'étaient pas démontré qu'elles avaient été appelées et payées", alors que les justificatifs avaient été produits...

Par contre, en ce qui concerne les questions de fond, en particulier l'interprétation de l'article L.429-31 du code de l'environnement, les juges de la Cour d'Appel n'ont pas repris l'argumentation des juges de première instance. Ils ont certes reconnus "l’ambiguïté" de l'article concernant les dispositions pour fixer une contribution complémentaire, mais ont tranché au regard de l'objectif du Fond qui est, selon les juges de " faire face à tout moment aux demandes d'indemnisation des exploitants agricoles et pour ce faire il a besoin à tout moment de disposer d'une trésorerie lui permettant d'y procéder au moyen de ses ressources". Indéniablement, la Cour a fait erreur, son argumentaire ne reposant ni sur les faits, ni sur la réalité du fonctionnement financier du Fonds.

Tout d'abord, le FIDS 67 n'a pas à faire face "à tout moment" à l'indemnisation des agriculteurs. Dans son calendrier, il a deux rendez-vous avec le monde agricole, au printemps et en fin d'automne. C'est seulement à cette occasion là que sont négociés les prix des denrées agricoles, les prés en mars et les céréales en novembre, avec un paiement des dégâts en avril puis en janvier de l'année suivante pour les blés et maïs, soit bien après les campagnes d'estimation des dégâts. Or en avril, le FIDS 67 encaisse les 12%, soit plus de 970.000€ et en juillet le timbre, soit 350.000€ ce qui lui donne largement la trésorerie nécessaire à son fonctionnement financier. D'ailleurs, il suffit de regarder le montant des produits financiers, soit celui des placements de trésorerie, pour voir que le FIDS 67 a "les ressources nécessaires".

Ces arguments ont été fournis à la Cour, mais étonnamment pas pris en compte. La seule explication possible, c'est l'influence médiatique qu'a généré au printemps dernier la levée de bouclier des agriculteurs auprès du préfet. Cependant, le FIDS 67 n'a pas indemnisé comme a son habitude les agriculteurs en avril, non pas pour des raisons de trésorerie, mais parce qu'il mettait dans la balance sa volonté d'imposer la franchise de 3% aux agriculteurs.

Ensuite, la présente saison des dégâts, avec 1.555.000€ de dégâts déjà à la mi-juillet montre aussi que faire voter le montant du timbre sanglier par anticipation, sur la base d'un budget totalement fictif, voté en AG entre janvier et avril est sans rapport avec la réalité du terrain, soit des dégâts. Ce n'est pas un timbre à 70€ qu'il faut cette année pour faire face à la future facture des dégâts, mais un timbre à 100€ au minimum. Seulement, le montant est déjà voté et encaissé, soi disant pour "faire face à tout moment à l'indemnisation des agriculteurs"...

Enfin, pourquoi le législateur aurait-il prévu un texte distinguant deux types de ressources, une de base avec les 12% via l'article L.429.30 et des ressources complémentaires via l'article L.429.31, en cas d'insuffisance de ressources, si les deux types peuvent être votés en même temps, avant le début de la saison des dégâts, à partir d'un simple budget prévisionnel prévoyant un déficit ? Autant faire un texte sans ambiguïté dans lequel il est alors dit que "les ressources des FIDS pour son fonctionnement et le financement des dégâts proviennent des 12% et d'un choix de contributions, entre le timbre, le bracelet et la sectorisation". Dans ce cas, il n'y aurait eu interprétation possible entre l'esprit et le texte comme l'ont fait les juges.

Un autre point du jugement porte également à interrogation, c'est l'application immédiate sur l'exercice 2008/2009 de la loi du 31 décembre 2008 instaurant la possibilité de "recourir à une contribution complémentaire variable en fonction de la surface boisée et non boisée", sans tenir compte de l'analyse de l'Institut du Droit Local et de l'affirmation de M. Jérôme BIGNON, Président du Groupe Chasse de l'assemblée nationale, qui écrivait que "la loi chasse ne vaut que pour les exercices postérieurs à son adoption".

De plus, la Cour n'a pas non plus pris en considération que cette modification de l'article L.429-31 ne figurait pas encore dans les statuts du FIDS 67 et ne pouvait donc s'appliquer aux membres. A juste titre, le FIDS du Haut-Rhin avait quant à lui, d'abord procédé à la modification de ses statuts avant d'appliquer la réforme à partir de l'exercice 2009/20110. Incontestablement il y a iniquité de traitement. Or une loi est générale, et ne peut s'appliquer en principe à une partie et pas à une autre.

Reste un dernier point , où la Cour n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments fournis, celui de la validation du principe de sectorisation par Groupements de Gestion Cynégétique. En effet, elle a estimé que "ni la loi du 23 février 2005 ni celle du 31 décembre 2008 n’ont défini le secteur cynégétique, laissant au FIDS le soin de le déterminer au sein de ses instances de manière à répondre aux objectifs prévus par la loi. Le schéma départemental de gestion cynégétique du Bas-Rhin pour la période 2006/2012, approuvé par arrêté préfectoral, a rappelé que les groupements de gestion cynégétique ont notamment pour rôle de renforcer la gestion cynégétique du sanglier à l’échelle d’unités de gestion territoriales en ce sens, il apparaît comme un secteur cynégétique pertinent".

Là encore les juges font erreur. Il a d'abord été apporté suffisamment d'éléments montrant que l'objectif de la sectorisation, soit de la loi, était de responsabiliser les groupes de chasse face aux dégâts. Or à l'échelle d'un GGC, ou maintenant d'un secteur géographique tenant compte d'infrastructures de transport, il est indéniable que cette responsabilisation n'est pas engagée puisqu'elle fait payer l'ensemble des chasseurs qu'ils soient à territoire de sangliers ou non, qu'ils fassent de la dissuasion ou non, qu'ils gèrent les densités de sangliers ou non.

De même la Cour a totalement ignoré le point du Schéma Départemental de Gestion Cynégétique 2006/2012 du Bas-Rhin qui dit "qu'il est impératif de favoriser une sectorisation cohérente pour sensibiliser les gestionnaires dans le but de provoquer l’autodiscipline".

Que se passe-t-il aujourd'hui, les dégâts n'ont cessé d'augmenter tout comme les densités, soit en termes de résultat l'inverse de ce que le législateur voulait obtenir par la mise en place de la sectorisation. Même le FIDS 67 reconnaît maintenant, notamment sous la pression, que les GGC, puis les secteurs géographiques ne sont pas justes et que moins d'une centaine de ses membres provoquent régulièrement plus de 60% des dégâts.

En son temps, lorsque l'Union Cynégétique d'Alsace avait sollicité l'aide du Préfet pour arrêter les dysfonctionnements du FIDS 67, rappelons le entièrement entre les mains des chasseurs en forêt, avec des statuts et des lois faits par eux-mêmes, il nous a été répondu qu'il fallait aller en justice, notamment sur le principe qu'un "déficit devait être avéré pour mettre en place des contributions complémentaires".

Aujourd'hui, la justice n'a pas tranché entre un jugement en première instance et un jugement en appel, vraisemblablement pour ne pas mettre en danger les finances du Fonds et incidemment l'indemnisation à venir des agriculteurs. Par contre le Préfet a décidé de sortir de la neutralité pour mettre de la pression sur les acteurs du monde de la chasse. Mais tout cela sera-t-il suffisant ?

L'avenir c'est la facture des dégâts qu'il conviendra de financer.

Si j'ai un conseil à donner aux groupes de chasse otages depuis des années du système FIDS 67, soit tous ceux qui ne sont pas responsables des abus, des défaillances, des négligences, des densités, de la non gestion, de la monétarisation ou marchandisation des chasses en forêt, soit tous ceux qui font de la dissuasion ou de la gestion de leurs densités, en chasseurs responsables, c'est de dire NON à toute nouvelle forme de "mutualisation" des contributions complémentaires, de s'unir dans un collectif, dès à présent, en prévision des combats à venir contre l'injustice.

Tag(s) : #Vie des instances de la chasse
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