Qu'est-ce qui tient encore dans notre société ultra moderne, ultra égoïste, ultra politisée, ultra médiatisée, ultra fichée par les algorithmes, avec non plus l'homme au centre de tout, mais l'argent ? Où est encore le bonheur, au Bhoutan, dans les pays nordiques avec la Finlande à nouveau en tête du classement des pays où il fait encore bon vivre ? Où s'échapper pour fuir les nuisances, la pollution, le bruit routier, aérien, celui de l'activité quotidienne de l'homme, de jour comme de nuit, vacances comprises ? Mêmes les cimetières ne sont plus paisibles.
Quelle religion, quelle morale, quelle utopie, quel exemple, quel phénomène peut encore ramener l'homme à la raison, vers le droit chemin, vers un retour à la légèreté de vie ? Celle où vous n'avez pas peur de sortir, de croiser "des gens", du regard de l'autre, de l'agression physique ou verbale, de la haine directe ou par réseaux sociaux interposés, de la connerie, des esprits déjantés. La liste devient longue, trop longue de ce qui empêche l'homme de vivre dans l'insouciance.
Aujourd'hui, un mouvement qui n'en est plus un, au regard de son origine de novembre dernier, caché derrière une couleur jaune qui pourtant symbolise entre autre l'huile, soit ce qui coule, va encore chercher à en découdre avec le pouvoir, symbolisé par un homme, le Président de la République. Face caméra, tous se disent "citoyens". Le sont-ils vraiment ? En tout cas pas dans le sens d'Aristote, un des pères de la démocratie : "le citoyen ne se réduit pas à celui qui habite une cité, il est pleinement citoyen pour autant qu'il participe ou peut participer à l'un des pouvoirs de la cité en visant dans et par la communauté politique dont il est membre le bien de tous". Est-ce notre faculté du raccourci, de mettre sous le tapis ce qui ne va pas dans notre sens, de la lecture rapide qui fait occulter le contestataire que revendiquer n'a de sens que s'il y a un but commun, à savoir l'intérêt général. L'intérêt d'une classe, sociale ou politique ne fait pas un peuple et sa vison.
Aujourd'hui, les oppositions politiques dont le seul objectif est la conquête du pouvoir, les réseaux sociaux, les médias, la rue ont mis face à face pauvres et riches, soit deux extrêmes. Il serait bon que tous les "yakas" du grand bordel, citoyens ou politiques, méditent cependant avant d'aller plus loin dans le chaos autour de cette réflexion relevée par mon épouse lors de ses lectures :
"le cours du monde est fait pour que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres et pour que les classes moyennes explosent. Et ce sont les classes moyennes qui font les démocraties libérales bien tranquilles. Les riches et les pauvres font les combats". Tout le monde encense et admire le "Mittelstand" qui a fait grandir économiquement l'Allemagne, en France la quête égalitaire inscrite dans les Droits de l'Homme de la Révolution a conduit les politiques de tous les bords à faire rompre par un trop grand écart imposé aux classes moyennes le pont construit par ces dernières entre riches et pauvres. Dorénavant, deux bords s'affrontent avec devant eux un gros trou que le politique n'est plus en mesure de combler pacifiquement, humainement, intelligemment, raisonnablement.
"L'ascenseur social" a été et reste un chemin ouvert vers le possible pour permettre aux jeunes issus de la génération de la pauvreté de s’affranchir. Mais, malgré des budgets en hausses régulières pour l'Education Nationale les lignes bougent peu ou pas suffisamment. Les générations se succèdent et les revendications ne changent pas, tout comme les promesses des candidats aux élections.
Tout à un prix, c'est peut-être ce que qui est trop souvent oublié lorsqu'il s'agit de faire pencher le plateau de la balance vers le bon côté espéré, attendu. Avancer dans la vie, sauf à gagner au loto, se fait et se fera toujours encore à la force du poignet pour tous ceux qui "ne sont pas bien nés". Les valeurs personnelles font l'individu, les valeurs qu'on attend chez l'autre font la relation et les valeurs recherchées dans le monde du pouvoir font l'activité. Inversement, il est compliqué sans travail d'être dans la société, de développer une vie sociale et de croire en soi. Chaque parcours de vie est individuel et passe par la capacité à se déterminer, à se forger un but d'où vont découler des objectifs tant personnels que professionnels. A défaut, ne pas avoir de vision de son futur provoque immanquablement une absence d'orientation pour agir.
Côté riches la problématique n'est pas à chercher du côté de l'argent, mais de son utilisation. Keynes disait à ce sujet « de même que nous n’avons rien apporté dans ce monde, nous ne pourrons rien emporter. Si nous avons de quoi manger et nous habiller, sachons nous en contenter. Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans le piège de la tentation ; ils se laissent prendre par une foule de désirs absurdes et dangereux, qui précipitent les gens dans la ruine et la perdition. Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent ».
L'exemple de Carlos Ghon pris par la patrouille japonaise illustre bien combien la cupidité peut être destructrice. En revanche, sans possédants, pas de collecte d'impôts, pas de "ruissellement" d'argent du haut vers le bas. En fiscalité, le débat idéologique aide à la démagogie, au populisme qui veut "tondre le riche", au combat précité. Trop de raccourcis sur fond de CAC 40 sont jetés dans les esprits des citoyens à longueur de journée, souvent loin du bon sens. Nombreux sont ceux qui confondent valorisation d'une entreprise et gains personnels du PDG. Une entreprise c'est d'abord un outil de travail avant d'être un symbole capitalistique mal perçu et nombreuses sont celles qui partagent heureusement avec leurs salariés participations, dividendes et avantages sociaux.
Le débat, le vrai est là où personne ne veut aller, du côté de la vraie misère. Ne pas pouvoir boucler sa fin de mois par manque de gestion personnelle est une pauvreté, mais différente de la famille ou de l'individu sans rien, peu importe les raisons. La vraie misère est chez ceux qui sont dans l'incapacité d'entrer dans la vie active ou d'y retourner après un "accident de la vie". Laisser ces personnes au bord de la route est inacceptable pour une société avancée, reste à apporter des réponses. Et là, les débats s'enlisent sur fond d'immigration non contrôlée, de délinquances, de faux chômeurs, de travail au noir, de quartiers, bref comment faire la part des choses. Est-il possible de classifier sur une échelle les niveaux de vrais misères et fausses misères ? Les uns extrêmes vont dire oui, les autres indignés non et comme personne ne veut aller sur ce débat glissant, dangereux, on laisse filer en mettant des rustines quand nécessaire. Tout comme on ne peut mettre un policier derrière chaque citoyen, on ne peut mettre un professionnel de l'aide à la personne derrière chaque individu à la peine ou à la dérive. Une chose est certaine, nos sociétés engendrent trop de structures sociales différentes. Je ne sais si des chiffres sont recensés, mais il doit être considérable entre associations, services, établissements, initiatives locales, ONG, missions religieuses, organes, fondations etc... Combien de personnes, entre bénévoles et salariés œuvrent-elles dans le monde du social ? Peut-être serait-il temps de concentrer les moyens ? Les initiatives sont une chose, l'efficacité une autre. A quand un grand ministère du social ? Plus facile à mettre en place en Chine que dans une démocratie sociale...