Tous les adjudicataires des lots de chasse du Bas-Rhin viennent de recevoir l'invitation à l'Assemblée Générale intermédiaire du Fonds d'Indemnisation des Dégâts de Sangliers du département pour le 18 janvier prochain, en clair, ils viennent de prendre connaissance de la facture complémentaire à payer et sa répartition par secteurs, soit 479.000€.
Que voulez-vous que je vous dise ou chante ? Années après années, la même litanie ou mélodie revient sur le tapis, "certains gèrent correctement leur territoire et ont peu de dégâts, d'autres laissent filer. Ils préfèrent garder les sangliers pour les battues, ne font pas de tir de nuit, n'agrainent pas correctement..."
Ce ne sont pas mes remarques, mais les propos écrits du FIDS 67 qui visent essentiellement "20 locataires sur 818 totalisant 260 ha de dégâts, soit 30% des dégâts du département". Jusque là, on ne peut qu’applaudir, tout comme le fait d'avoir ajouté 10 nouveaux secteurs, qui historiquement ne sont pas une surprise, Marckolsheim, Illkirch, Strasbourg Robertsau/ La Wantzenau, Seltz/ Beinheim, Weyersheim/Gries, Leutenheim, Dauendorf, Kirrberg/ Baerendorf, Gresswiller et Meistratzheim.
Si les zones rouges ou noir sont ainsi pointées du doigt et taxées en conséquence, il n'en reste pas moins que les éternels pénalisés sont encore oubliés, ceux qui en plaine sont à zéro dégâts, soit parce qu'aucun sanglier ne vient dans leurs cultures, soit parce qu'ils jouent du printemps à l'hiver les gardes champêtres avec le tir de nuit, soit parce que sur des territoires mixtes avec agrainage et cultures, ils gèrent intelligemment tir de nuit et agrainage dissuasif, la gestion des densités et des structures sociales des sangliers.
Notre territoire est bien placé pour le savoir. Encore une fois nous restons à zéro euros de dégâts, mais au prix de combien de sacrifices tout au long de l'année et avec tout de même "une prime complémentaire" à payer de 525€"à ceux dont le sanglier est le gibier de base en forêt. Chaque année nous nous disons la même chose que nous sommes vraiment des crétins de vouloir contenir les dégâts pour cinq lots de chasse en forêt domaniale qui avec nous ne risquerons jamais de battue administrative et se feront plaisir avec les battues d'hiver. Bien sûr que nous avons explosé cette saison notre tableau de sanglier en tir de nuit, mais nous nous en passerions volontiers pour pouvoir ne serait-ce à nouveau profiter du bonheur des sorties matinales. Depuis l'avènement du sanglier, nous sommes devenus exclusivement des noctambules, assis dans l'obscurité, soit aveugles la plupart du temps, concentrés sur 50 ha de sortie de forêt, au détriment des 840 autres absolument pas concernés par les dégâts et pour lesquels au passage nous payons aussi au FIDS 67... celui qui s'astreint au tir de nuit sait de quoi je parle quand il s'agit de passer des heures dans le noir sans voir grand chose, avant de pouvoir une nuit tomber sur un sanglier tirable. En retour, aucun cadeau nous est fait par la forêt, seule capable de gérer les densités, pour preuve elle a encore fait passer 1% de la contribution de base sur la mutualisation à l'AG de l'année dernière, sur le principe que tout petit profit est bon à prendre... qu'on ne nous parle pas dès lors de solidarité...
Un jour ou l'autre, cependant, les "mouches finiront par changer d’âne", à force de violer les principes qui ont amené le législateur à créer les trois Fonds d'Indemnisation en Alsace-Moselle. Pour rafraîchir la mémoire je rappellerai :
- que les secteurs sont à déterminer "au vu des dégâts", et non de l'intégration des lots dans un secteur géographique ou sur la base d'une cartographie. Qu'ai-je de commun en sortie de forêt de Haguenau avec les dégâts commis à Wissembourg ou à Brumath ? En vertu de quel texte dois-je participer au financement de dégâts commis à 20 kms de ma chasse pour des chasses désinvoltes, défaillantes ou négligentes ?
- que le schéma cynégétique de notre Fédération stipule qu'il " est utile de favoriser une sectorisation cohérente de l'indemnisation des dégâts pour sensibiliser les gestionnaires dans le but de provoquer l'autodiscipline."
- qu'il existe un Plan National de Maîtrise des Dégâts de Sangliers depuis 2009 qui est à mettre en œuvre avec des orientations très claires concernant les zones "points noirs". Huit ans après on avoisine encore le million d'euros de dégâts et des chasses dites "à gros risques" continuent d'empoisonner le climat.
A force de rester dans "sa bulle alsacienne" et de fuir la responsabilisation, les lendemains finiront par être douloureux pour la communauté de la forêt qui occulte totalement les actions des syndicats agricoles, à l'échelon national. En permanence, ces derniers bataillent ferme en coulisses à longueur de mois contre les dégâts et ne manquent pas une occasion pour développer leurs arguments auprès des échelons politiques nationaux. Alors vous allez me dire que nous n'avons pas le même système d'indemnisation (FIDS à la place des Fédérations), ni les mêmes règles de chasse et que c'est la "vieille France", mais la souche du mal est identique : les abus d'une frange de chasseurs et le non contrôle des dégâts. Le jour où le politique tranchera ce sera en faveur du monde agricole et alors les chasseurs seront soumis à une obligation de résultat via le Préfet, tout dégât même minime sera à indemniser, y compris la paille, l'expertise surfacique de dégâts se fera par drones, les franchises supprimées et le prix d'indemnisation se fera sur le prix de vente réel et non plus sur un barème. A chacun de faire les calculs et de savoir jusqu'où il veut aller pour avoir du sanglier.
Il convient aussi de rappeler qu'aucun adjudicataire n'a été forcé de prendre une chasse à risque. La redistribution des chasses en 2015 et 2016 était l'occasion unique pour la communauté de rétablir l'équilibre des forces en s'abstenant de louer les territoires "dangereux" et par la même refuser le "diktat" des Cahiers des Charges. Rien n'a été fédéré, estimant que "chacun était assez adulte pour savoir ce qu'il devait faire". Tant que le sanglier est considéré par certains comme un gibier ressource, nous aurons la discorde. Tant que le sanglier fréquente des territoires où il n'a pas à être, pour maintenir attractif des territoires historiquement dédié au petit gibier, ce sera conflictuel. Tant que des pourvoyeurs de maïs, pour s'en mettre dans les poches, rempliront les sacs de grains d'or aux chasseurs , le double jeu restera de mise. Tant que les règles d'agrainage seront contournées ou qu'une distinction dans les modalités d'agrainage ne sera faite entre territoires sans risques de dégâts, et territoires grandement exposés, les sangliers resteront au cœur de nos problèmes. Tant que la totale responsabilisation du financement des dégâts ne verra le jour sur le principe du 360 qui partout permet de définir d'où viennent les sangliers, l'injustice du financement couvrira ceux qui en profitent.
Il existe toujours et encore des chasses avec amendes pour toute laie de plus de 50 kgs, il existe toujours et encore des battues "business", il existe toujours et encore des chasses en nom propre avec partenaires payants, tout cela à "l'insu du plein gré". La chasse alsacienne va de plus en plus vite dans le mur parce qu'elle n'a pas su ou voulu sortir fermement de la marchandisation, parce que le prix des baux repose non sur la valeur cynégétique des territoires mais sur la stupidité des chasseurs, cf les Cahiers des Charges des Chasses Communales et Domaniales qui auraient dû amener le monde de la chasse à refuser les chasses. Alors, il faut, à chaque budget annuel, rentrer des sous que seul le sanglier en grandes quantités peut encore amener. Alors, année après année, il faut aller chercher du "partenaire", mais qualitativement de plus en plus difficile à dénicher, jusqu'au jour qui va venir très vite où la forêt sera aussi déserte en grand gibier que la plaine en petit gibier.
Au jour d'aujourd'hui, en fonction des biotopes et la localisation, les bonnes chasses, souvent grandes en surface, ont encore juste de quoi séduire, les moyennes s’appauvrissent déjà et n'ont plus les tableaux d'antan et les moins bonnes commencent à être vides. On peut actuellement aisément mesurer l'attractivité des territoire à la facilité de trouver des "invités" pour les battues. Le prix du chapeau ne diminuant pas et les opportunités de voir du grand gibier se raréfiant, pas besoin d'être expert pour comprendre qu'il devient compliqué pour certains d'attirer du monde. Un phénomène de stress s'installe aussi progressivement dans nos chasses, du moins du côté des responsables qu'on peut comprendre, torturés qu'ils sont entre le risque sécuritaire, les incivilités de plus en plus fréquentes et provocatrices d'une certaine frange d'utilisateurs de la nature, la peur de se retrouver seul au commande faute de partenaires. Si j'ajoute à cette lente chute d'attractivité d'un bon nombre de nos chasses le fait certain que la nouvelle vague de pressions sur les densités de sangliers, au plus tard après le nouveau Schéma Cynégétique, va s'installer...
Bonjour les dégâts...
Circulaire Borloo 2009 et Plan National de Maîtrise des Sangliers