Les propriétaires forestiers pour appuyer leur demande de destruction du grand gibier ont chiffré à partir d'exemples, le prix de la dent, de la ramure et des bois des cervidés et des chevreuils. Trois situations ont été présentées pour faire ressortir les pertes subies : l'écorçage, l'engrillagement et l'inversion d'essences, cf document joint. C'est habile pour marquer les esprits, faire monter la mayonnaise en réunions de présentation ou de discussion, mobiliser des adhérents, faire parler de soi et donner des arguments aux décideurs. C'est espérer couper l'herbe sous les pieds des chasseurs, c'est penser venir en force à des tables de négociation, comme pour le renouvellement du Schéma Cynégétique.
Alors, on ne va pas remettre en cause les calculs, partant du principe qu'il s'agit d'une étude loyale et je ne suis pas expert en la matière, mais je dirai que mettre en avant le coût des dégâts de gibier, c'est détourner l'attention, focaliser sur une cause, alors que la seule et unique question qui est à se poser c'est : pourquoi la forêt locale pousse mal ?
A l'intérieur de ce débat, oui le grand gibier y trouve une part de responsabilité en certains secteurs, sur certains lots, pour des raisons variables, y compris de mauvaise gestion, mais d'autres facteurs entrent en cause, autour de la notion large de "conduite de la forêt" argumentée dans le post précédent.
Nous sommes actuellement dans une politique du "beurre et de l'argent du beurre" qui peut se comprendre vu le mercantilisme de notre société, mais dans le cas présent, on s'attaque à la crémière et en cette période du #, il n'est pas bon de la harceler. Le gibier, le chasseur ont bon dos, mais les propriétaires et gestionnaires de la forêt continuent à gagner de l'argent, peut-être moins qu'il y a quelques années, mais on l'a vu le solde de l'ONF reste positif entre les "pertes" estimées et le revenu de la chasse. La France a cette sale manie de répondre à des problématiques par des taxes. On veut une société "nivelée", on taxe les riches, quitte à les faire partir, on veut orienter l'investissement vers l'actionnariat, on taxe l'immobilier, quitte à créer une déstabilisation de ce marché, on veut financer une mesure, on taxe une autre, rarement on s'attaque à la réduction de la dépense publique, la seule raison de notre misère.
A un moment donné, il est bon de se rappeler de vieux adages, en l'occurrence que "les conseilleurs ne sont pas les payeurs". Le chasseur locataire paye pour tout, il me semble que ce n'est pas le cas du forestier chasseur qui pratique le même loisir, mais dans le cadre de son activité professionnelle, avec les avantages qui vont avec. Tout cela a aussi un coût et porte sur le budget de l'institution, avec notamment une perte de recettes pour les territoires non loués, environ 6.000 ha dans le Bas-Rhin, sauf erreur. Par ailleurs et ce n'est pas moi qui le dit, mais l'ONF a largement contribué à faire des forêts domaniales "des chasses de riches" avec des locations de grands massifs et le prix qui va avec. Or il est bien connu que dès qu'on met le doigt dans l'engrenage de la chasse marchande, on y associe forcément nécessité d'avoir des densités conséquentes pour garder "les associés", saison après saison. Mais peu importe aujourd'hui, le seul mauvais élève c'est sans distinctions le chasseur et son grand gibier qui met à mal la croissance des arbres et la rentabilité des forêts.
Que la chasse de régulation qu'on nous demande de faire soit de plus en plus compliquée car
- nos massifs sont traversées ou truffées de sentiers pédestres,
- nos chemins sont envahis d'utilisateurs de quad, motos vertes,
- nos pentes sont transformées en descentes sauvages de vététistes,
- les zones de quiétude du gibier sont dérangées par des promeneurs en raquettes ou de nuit par des fans de la frontale,
- les lots sont soumis à l'organisation de trails, marches, randonnées sans que le locataire puisse avoir une chance de voir ses arguments pris en compte, sachant que lui paye et que l'organisateur s'en tire sans compensation, au contraire il gagne de l'argent sur le dos du locataire,
les intéressés s'en fichent la plupart du temps : "encore le chasseur" !
Toutes ces nuisances, dont certaines non sans incidence sur les dégâts, ne provoquent donc pas une flambée des timbres amendes puisque la forêt est devenue en plus un parc de loisirs vu politiquement avec bienveillance et que les heures de pratique des "incivilités" sont disons "atypiques" pour avoir une chance d'être verbalisées.
Vu sous l'angle de "la poussière et de la poutre dans l’œil du voisin", ce haro sur le chasseur par l'Administration, focalisé maintenant autour de la suppression de l'agrainage devient pesant, irritant, malsain. SOUPLESSE, devient le maître mot, si l'on veut sortir de la crise.
Prolonger de six mois le Schéma Cynégétique actuel, envisagé par la Fédération du 67, c'est étaler dans le temps le conflit, sans le régler. C'est maintenant que l'abcès doit être crevé. L'ONF a tort d'exiger l’orthodoxie pour l'ensemble des chasses. Comme pour le FIDS 67 qui a consenti a élargir la sectorisation, il va falloir sortir du dogme et sectoriser l'agrainage. D'une manière générale, il faudra instaurer la Kirrung pour 50 ha de forêt et selon les zones sensibles aux dégâts agricoles sectoriser des droits à l'agrainage linéaire. En retour et à charge des chasseurs de ne pas repartir sur les pratiques de tricheries que tout le monde connaît. Rester dans l'intégrisme de part et d'autre, provoquera un ticket perdant-perdant pour tout le monde. D'une manière générale, il faudra pour certains sortir de la chasse marchande, voire les aider à le faire, pour revenir à une chasse raisonné et raisonnable, soucieuse des équilibres. Plus particulièrement, il s'agira aussi d'étudier et prendre les mesures pour ramener du calme et de la quiétude sur les territoires au regard de la pression humaine exercée par tous les utilisateurs de la nature. Ce nouveau schéma cynégétique va au-delà de la réglementation de la pratique de la chasse dans le 67, il va dicter soit la fin de la chasse, soit ouvrir les nouvelles pistes nécessaires pour qu'elle perdure.
Les chiffres de la discorde