
Il y a un phénomène en cours qui ressemble à une hydre de plus en plus difficile à contrôler à l'échelle mondiale, le tourisme. Pas un pays du globe n'est épargné par le développement effréné des peuples du goût du voyage, des vacances, du low cost, des offres de destinations proches ou lointaines, sur terre ou sur mer, en attendant les tours de lune. Du Bhoutan à la France, de la mer à la Montagne, du voyage individuel au tourisme de masse, du monument iconique, comme la Tour Eiffel, aux sites naturels mythiques, comme le Grand Canyon, des paysages de rêve au cœur de villes historiques, du farniente à la beuverie organisé, tout y passe, tout est bon pour, certes casser le rythme métro-boulot-dodo des esclaves des temps modernes ou répondre au besoin de détente ou de loisirs des hommes, mais surtout pour générer de l'argent, pardon de la croissance et de l'emploi...
L'homme demandeur ou offreur de services vient de mettre ces dernières années un doigt dans un engrenage qui ne peut plaire à la planète et résister à l'interrogation. Déjà à son rythme normal, la terre est en grande souffrance, air-terre et mer sont pollués de partout par l'activité humaine et l'irresponsabilité. Lui ajouter le pan de concentration touristique que génèrent les transhumances saisonnières ne va que faire galoper la misère de la planète, incapable de se régénérer toute seule, de digérer plastiques-détritus au fond des mers, polluants dans les sous-sols, pollution dans les airs.
Pas besoin d'être devin ou visionnaire, au rythme actuel de la croissance du secteur touristique, les grands perdant sont déjà connus : l'écologie et le paysage, à terme la vie tout court, végétale, florale, animale et in fine humaine. Le fond de commerce du tourisme repose sur les beautés de la nature, les "spots" que peuvent offrir montagnes, océans, mers, lacs, fleuves, cours d'eaux, plages, faunes, flores, sur le passé historique des civilisations, les réalisations de l'homme à travers les siècles, sur l'exotisme des destinations en lien avec les dérives de l'homme, beuverie, appétits-perversités sexuelles.
Seuls les naïfs peuvent rêver à l'idéal d'un développement d'un tourisme doux, sauf à le contraindre par une taxation XXL, comme le fait le Bhoutan avec une taxe de séjour journalière de 200€. Qui par exemple dans les stations des Alpes a envie d'avoir moins de skieurs, de nuitées, moins de hors piste, de musique sur les pistes, de délires la nuit ? Seuls les locaux subissant les revers des médailles vraisemblablement, en tout cas ceux qui ne bénéficient de la manne de l'or blanc et les conscients que tout développement y compris contrôlé finit par être de trop au regard des capacités d'absorption.
Rien ne peut empêcher la concentration touristique puisque liée à l'offre ciblée de paysage, d'histoire, de loisirs, d'événements, aux modes de transports, aux offres d'hébergements, aux envies de dépaysement, d'exotisme, de lointain, de curiosité, de nouveautés.
La saturation touristique est devenu en peu de temps un fléau inévitable en Europe comme dans le monde, les exemples sont nombreux et connus, Giverny au niveau d'un site, Venise au niveau d'une ville, la Corse au niveau d'une île, le Costa Rica au niveau d'un pays. La liste des méfaits au fil du temps devrait à elle seule stopper l'idée de tout développement :
- disparition de l'âme des villes (villes musées avec des boutiques de souvenirs partout, des vendeurs à la sauvette, des mendiants, fin des commerces de proximité, piétonisation des centres, nuisances sonores, incivilités, insécurité)
- dégradations des monuments et des sites naturels, google en recense plein
- saturation des villes touristiques, boom des loyers, exclusion des résidents (cas de Lisbonne actuellement),
- saturation des hôtels, des restaurants, des routes, appauvrissement des ressources en eau renforcé encore par la sécheresse, recyclage -traitement des eaux usées, concentration des déchets, notamment au fond des mers
A ce panel guère réjouissant, les parties prenantes de l'industrie du tourisme pensent avoir des réponses qui se nomment "dilution" des flux touristiques ou augmentation des capacités d'accueil (taille des aéroports, des hébergements), mettant entre autre sous le tapis l'empreinte carbone dramatique du trafic aérien ou maritime.
Il est clair que sans développement des infrastructures et des transports aérien, impossible d'exploser les chiffres déjà impressionnants en France tout particulièrement :
- 2017 : 89 millions de visiteurs étrangers dans l'hexagone, 429 millions de nuitées, 100 millions de touristes attendus dans 5 ans
- Plus de 34 milliards de recettes en 2016
Imaginez ce qui va se passer dans les mois à venir, rien qu'avec la Chine qui s'éveille aux joies du voyage et des vacances. Le Chinois Fosun s'est déjà préparé au futur boom en rachetant le club Med en 2015 pour 939 millions d'euros. Déjà 2 millions sont venus en 2016, sachant que seuls 10% des chinois détiennent un passeport. inutile de faire un dessin de ce qui va se passer rapidement en terme de saturation et de concentration touristique.
Le monde politique est focalisé et attendu sur les problèmes de migration et sa perception par les populations d'accueil fracture les unités nationales cf Pacte de Marrakech signé aujourd'hui. Les transhumances humaines touristiques risquent de créer les mêmes effets de refus sur fond de valeurs culturelles différentes et marquées entre visiteurs et hôtes. Déjà aujourd'hui beaucoup de résidents coincent avec les comportements des touristes dans le monde entier. Les "mauvais comportements" sont de plus en plus stigmatisés. Des palmarès sont établis pour faire ressortir les touristes les plus "border line". https://www.demotivateur.fr/voyage/les-20-erreurs-surprenantes-que-tout-le-monde-fait-en-vacances-14593. Chacun a déjà été confronté à ces chocs culturels et un sentiment d'envahissement pointe de plus en plus son nez parmi les populations. Malgré tout, on peut penser que la France ne sera pas disposée à mettre un frein au flux croissants de voyageurs, il y va de son PIB et les politiques n'ont quasiment jamais une vision à long terme, "après moi, le déluge". On a beau nous expliquer qu'il est urgent de passer à une transition écologique par des changements de comportements imposés par la taxation, quand à côté, le trafic aérien autrement plus pollueur que la voiture du particulier est amené à exploser tout comme le trafic maritime et du camion... l'adhésion est difficilement acceptable !
La jugulation des flux migratoires touristiques à n'en pas douter, un brûlot de plus sous le tapis qui couvre la planète déjà en feu.
