La consultation publique du 6 au 29 juin 2019 sur le projet d'arrêté déterminant la liste, les modalités et les périodes de destruction des Espèces Susceptibles d'Occasionner des Dégâts a provoqué la bagatelle de 53897 commentaires . Comme on peut l'imaginer, l'occasion fut belle pour une partie de la République d'exprimer une grande "diversité de sensibilités"... Beaucoup de points de vues, d'états d'âmes, de commentaires partis de "mots d'ordres" d'organisations pour ou contre afin de mettre la pression sur la prise de décisions qui laissent aussi présumer ce que le recours au RIC (Referendum d'Initiative Citoyenne), cher aux "Gilets Jaunes" pourrait devenir, une foire d'empoigne, un ferment de divisions virulentes.
Sur le fond, cette forme de "démocratie participative" que procure une consultation publique laisse grandement apparaître et confirmer que ce qu'on appelle la ruralité "fiche le camp" à très grande vitesse. Occire le lapin, la poule ou le dindon faisait partie du quotidien des grands et des petits et ne heurtait personne. Aujourd'hui, tout ce qui rappelle ou rapproche l'urbain de la mort devient pour lui insupportable. Le véganisme, le welfarisme, "le choc des photos" du militantisme orchestré par L214, le RAC et tous les organismes qui poussent à l'arrêt de la chasse forment inlassablement un tronc commun avec les mêmes caisses de raisonnance, les mêmes arguments et discours.
Souvent sur ce blog je rappelle que l'omnipotence mal utilisée, soit ce droit de donner la vie ou la mort, que se donne l'homme sur l'animal est insupportable, surtout lorsque derrière se cachent des intérêts financiers ou des commodités personnelles. Etablir une liste ciblée d'animaux susceptible d'être détruits par l'homme n'est pour autant pas contradictoire, tout simplement parce que notre monde moderne a commencé à rompre les équilibres naturels dès lors qu'Eve a croqué dans la pomme provoquant la "perte du paradis". Tout être humain qui se respecte souhaite l'harmonie du vivant, mais comme disent les anciens "es war einmahl", ce fut une fois, si pour autant cette époque a existé. On peut tout remettre en cause, palabrer sur tout, mais depuis que l'homme réduit les espaces naturels que définissait Aldo Leopold, écologiste et avant-gardiste américain du siècle dernier, comme "un territoire susceptible d'être parcouru à cheval pendant six jours sans rencontrer un signe de civilisation", il n'y a plus que l'angélisme pour espérer un équilibre naturel entre prédatés et prédateurs. Manger pour être en capacité de reproduction, tel est le quotidien du vivant (et l'homme en fait partie). Tant qu'espèce par espèce, la densité est suffisante, effectivement pourquoi vouloir détruire, mais en ce qui concerne, ce que le chasseur appelle le "petit gibier", nous sommes plus prêt de l'extinction que de l'abondance. Personne ne peut enlever au chasseur le mérite qu'aujourd'hui puisse encore être présents dans nos campagnes perdrix grises, lièvres, lapins, faisans. Sans piégeage et tir point de salut de survie pour ces espèces, qu'on le veuille-accepte ou non, qu'on considère la chasse d'un autre temps ou non.
Maintenant, personne n'est dupe, l'arrêté, objet des attaques des uns et des autres sous couvert de cause animale, n'est qu'un prétexte pour avancer dans la lutte finale de la suppression de la chasse. Petit à petit l'oiseau fait son nid dit-on et si ce n'est pas pour aujourd'hui peu importe, il convient de marquer le territoire, d'enfoncer les coins à chaque occasion pour rallier de nouveaux adeptes, de nouveaux élus et créer un effet de masse. Stratégiquement, il faut comme on dit "occuper le terrain" marquer les esprits à chaque occasion possible, marteler des vérités qui n'en sont pas.
Sur la forme, il faut simplement regretter l'utilisation du terme "destruction" dans l'arrêté qui signifie tout bonnement "faire disparaître" ce qui n'est sans doute dans l'esprit de personne, à commencer des piégeurs ou des chasseurs. Nous sommes paraît-il dans une société libérale, pour autant nous n'avons plus que des lois et règlements pour nous dire ce qui est autorisé ou non. De nous-même, nous ne pouvons plus rien faire, sans doute parce que l'homme est capable de tout, du pire comme du meilleur. Si un renard vient manger mes poules ou une fouine croquer mes câbles de frein, une action éventuelle, selon mes convictions ou mes nerfs ne peut se faire que dans un cadre ordonné. Mais à force de tout vouloir contrôler, l'Etat est-il dans le bon sens, ne crée-t-il pas systématiquement lui-même le refus, soit la corde pour être pendu ?
Concerter pour décider avec, pourquoi pas, mais au final c'est rarement le cas, résultat c'est la désillusion qui sort d'une consultation publique et qui va engendrer haine, vindicte, militantisme exacerbé en attendant la prochaine occasion de remettre le couvert jusqu'au jour de la conquête du pouvoir. Dans le cas de la lutte contre les ESOD on baigne entre le spiritualisme et l'hypocrisie. Si tout animal doit devenir "sacré" alors tous les militants doivent aller au bout du bout, ne plus éradiquer les moustiques qui piquent les vacanciers les soirs d'été, la mouche qui tourne autour de la viande du barbecue, ne plus tolérer de voitures et camions qui tuent plus d'ESOD que les piégeurs et les chasseurs, refuser la contraception et l'avortement, bref toute action qui porte atteinte à la vie, qu'elle concerne les espèces animales ou l'humain.
La raison, encore et toujours, demande de faire preuve de bon sens. Je partage la position d'Alsace Nature qui est d'avis que laisser le renard par exemple vivre sa vie dans des zones à peu de risques de peser sur la biodiversité serait de bon aloi. Par contre le mettre dans la liste des ESOD dès qu'on touche à des zones de petite faune, soit en plaine est évident. L'ONF a pris le parti de protéger les renards sans distinction de périmètre de vie, comme si goupil se donnait des frontières entre la plaine et la forêt. Que croyez-vous que nous avons en face de nous ? Une vis sans fin. A l'heure actuelle au cours de nos sorties de nuit pour contrôler les dégâts de sangliers, nous voyons régulièrement une dizaine de renards venir ce qu'on appelle "muloter" sur notre plaine. Pourquoi croyez-vous qu'ils sortent, pour les rares souris derrière lesquelles volent aussi chouettes et hiboux de nuit et les buses de jour ou pour les jeunes lièvres, les nichés de vanneaux, d'alouettes, de cailles ? Alors de grâce arrêtons de mettre en avant un argument pipeau, aussi bien du côté des agriculteurs que des forestiers du renard régulateur des mulots, chez nous ils sont comme le hamster en voie d'extinction. Un habitant de Betschdorf, en sortie de village a aménagé son jardin pour accueillir une basse-cour. L'an dernier il a ajouté une quinzaine de faisans sur lesquels il a gardé un coq et trois poules. Ce printemps, les poules ont chacune fait des nids dans ses hautes herbes. Une première partie de ponte a été prélevée par des corneilles, mais un recoquetage s'est fait naturellement et une première nichée de faisandeaux est née protégée par un grillage en palissade et un mur en béton XXL. Il y a quinze jour tout y a passé, en une nuit, un seul faisandeau a été revu dans la cuisine de la maison voisine. Plus de pintades, plus de faisans adultes et jeunes, plus d’œufs, une renarde et trois jeunes s'en sont occupés, tout comme le lendemain d'une quinzaine de canetons acheté la veille dans la ferme voisine. Si demain, le renard se voit attribuer le statut de protégé comme le blaireau, le petit gibier et par-delà sa chasse recevra peut-être le coup de grâce, mais la boîte de Pandore sera ouverte à court terme avec une prolifération qui deviendra hors contrôle. Personnellement nous avons anticipé le mouvement, si le renard devient protégé, notre bail de chasse pourra être résilié au titre d'une clause particulière. Aux agriculteurs, aux mairies, aux habitants de se prendre la tête avec les textes, les dégâts, continuons à protéger par ayatolisme contre la chasse, comme on l'a fait pour les chats harets et on verra qui aura été le fossoyeur de la biodiversité.