Terriblement frappant le constat de la fin du temps de la tournée des cimetières à l'ancienne, celle du temps où la famille complète, papa, maman, les enfants endimanchés tenus par la main, passaient de tombes en tombes parler aux anciens passés sous terre ou comme on disait pour "fleurir les tombes". Terriblement attristant de constater que bientôt plus de pierres poussiéreuses que de tombes entretenues avec des pensées et des chrysanthèmes vont former le décor des cimetières, que bientôt plus d'écriteaux rappelant l'échéance proche de la concession ou de tombes à l'abandon vont garnir les allées.
Qui va encore au cimetière au moins encore une fois par an, le plus souvent à la Toussaint, en dehors de la veuve ou du veuf ? Plus grand monde au point que de moins en moins de places de parking sont accordés aux visiteurs des cimetières particulièrement exposés à l'emprise foncière. Les raisons sont connues et tournent autour des notions de mondialisation ou délocalisation, de familles partagées, de perte des traditions, de poids de la religion, du gain de parts de marché autour du concept marketing d'Halloween ou des bonbons sur les chrysanthèmes.
Les tempes grisonnantes chrétiennes que nous sommes ont grandi dans le culte de la Toussaint qui commençait par la messe, continuait par la tournée des tombes de la famille et finissait autour d'un repas familial très élargi en cousinade pour les jeunes. Que reste-t-il encore de ce temps du souvenir ? Pour la génération dite des "têtes baissées", quasiment plus rien. Elle a grandi sous l'influence du mouvement d'Halloween introduite par, comme toujours dans le monde du business, nos amis U.S. et n'a pas été prise par la main dans la semaine de la Toussaint pour nettoyer la tombe, puis déposer le pot de fleurs. Aujourd'hui, cette génération joue à se faire peur, crée des événements baignés de sang et de masques d'horreur, alors faire coucou aux "mamies and papies", prendre pelle-balayette-chiffon et arrosoir pour redonner du luisant à une pierre tombale ou dire merci à ceux sans qui il ne serait sur terre ...
Le temps de la Toussaint a toujours été particulier entre l’automne et l'hiver proche, fait pour resserrer les liens générationnels entre vivants et passés dans l'au-delà, là il est vraiment devenu morose, même déprimant pour qui a foi dans les grandes valeurs de l'humain. La citrouille évidée éclairée d'une bougie , oui, la fête du zombie, j'ai du mal.