Comme souvent, rien ne vaut une bonne définition pour comprendre. Equilibre "agro-sylvo-cynégétique" signifie rendre compatible d'une part, la présence durable d'une faune sauvage riche et variée et d'autre part la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles". C'est ce que nous dit le code de l'environnement dans son article L.425-4, c'est ce que revendiquent les agriculteurs et les forestiers.
Plus spécifiquement pour nos grands animaux, l'équilibre sylvo-cynégétique, c'est le stade où les populations herbivores ou omnivores permettent la régénération naturelle et durable de la forêt.
L'équilibre agro-sylvo-cynégétique n'est donc au final que la version moderne de la loi de Malthus qui veut qu'il ne peut y avoir sur un territoire plus d'espèces d'animaux que de capacité à les nourrir. En pratique, seule la combinaison de la chasse, la régulation, la prévention-dissuasion et la destruction peuvent permettre d'aboutir à un équilibre (en l'absence de prédateurs naturels...)
Sur le terrain ce sont les dégâts ou l'indice d'existence de troubles éventuels du comportement et pas réellement les densités les révélateurs du déséquilibre. Un biotope répondant aux exigences d'une espèce peut accepter beaucoup plus d'animaux par rapport à un territoire moins adapté, tout comme un seul sanglier peut dévaster un pré ou ruiner un semis de maïs.
Or face aux préjudices agricoles ou forestiers, force est de constater que nous n'avons pas répondu à notre mission de chasse et de régulation pour les raisons déjà décriées dans mes articles précédents. Faut-il dès lors s'étonner que nous soyons dorénavant en destruction forcée du sanglier et à raison par l'administration et en phase constante d'augmentation des quotas pour les cervidés et les chevreuils. Depuis trop longtemps, nous biaisons avec les plans de chasse, par des comptages d'abondance tronqués, par des pratiques de l'agrainage à l'encontre de l'équilibre recherché, alors faut-il s'étonner que le couperet tombe maintenant ?
Si à temps nous avions fait machine arrière et restauré la chasse naturelle et acceptable par le plus grand nombre, gageons que nous serions en position plus forte.
Pour moi, au risque de me répéter, maintenir un combat d'arrière garde et refuser la transition de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, c'est aller dans le mur, c'est perdre la partie.
Lisons le premier Schéma Départemental de Gestion Cynégétique avec nos yeux et non avec notre représentation. Les raisons qui demandent dans un premier temps d'abaisser à un niveau d'équilibre, voire en-dessous, les populations d'ongulés sont clairement énoncées. C'est pour dans un deuxième temps améliorer les capacités d'accueil des milieux forestiers. Rien ne sert de développer l'offre de nourriture qui manque cruellement dans nos forêts, notamment de résineux, par des aménagements cynégétiques, si au préalable la demande n'a pas été réduite. Produire une nourriture naturelle est autrement plus complexe que disperser du maïs selon les besoins liés à la croissance des populations.
D'un côté nous avons reproché à l'ONF de clôturer les meilleures parcelles en régénération, ce qui a également un coût, et de l'autre nous traînons les pieds pour réaliser la phase indispensable à l'équilibre sylvo-cynégétique inscrite au SDGC : la réduction des populations. Il faut savoir ce qu'on veut, une chasse tenable ou une chasse loisir où le nombre de tir prend le pas sur l'art de la chasse.
Nous nous plaignons de ne savoir quoi faire de nos tableaux des battues et pourtant nous voulons en tirer toujours plus. Nous voulons tirer des beaux cerfs et ne cessons d'octobre à février, battues lucratives de sangliers obligent, de les harceler d'un massif à l'autre, pour finir par les mettre dans un stress permanent qui les pousse à l'écorçage et donc vers la vindicte des forestiers. Plus "Hans im schnockeloch, tu meurs". En clair en montagne, notre chasse marche peut être aussi sur la tête.
N'ayons pas peur des quotas, acceptons le défi et l'engagement des forestiers d'aménager en contre partie des biotopes cynégétiques, avec l'argent économisé pour la pose et l'entretien des clôtures. De toute façon les chasseurs concernés n'y échapperont pas au plan de réduction transitoire des cerfs et chevreuils. Mais n'est-ce pas un mal pour un bien ?
Par contre dans le conflit actuel sur fond de zones de peuplement dégradable et agrainage, il y a peut être un point à réfléchir ou discuter avec l'ensemble des parties prenantes ONF-propriétaires privés-communes-département. C'est la possibilité d'une baisse transitoire du bail de chasse. Il est indéniable que la valeur cynégétique d'un territoire dépend en partie de sa densité en gibiers. Devoir réduire drastiquement les populations d'ongulés pour aller vers l'équilibre demandé exigera une transformation pour certains du moins, du mode de chasse et du mode de fonctionnement. Economiquement cette phase de transition où se situe actuellement la confrontation DDT/ONF-chasseurs et donc l'enjeu, ne sera pas sans conséquences sur l'équilibre financier des groupes de chasse.
D'une manière générale, ce débat sur la valeur cynégétique des territoires se posera inévitablement pour tout le monde, lors des adjudications à venir. Il est illusoire de croire que les chasseurs, avec en plus la crise économique et financière actuelle, continueront à faire grimper les enchères pour peu de gibiers et beaucoup de contraintes. Les récentes ré-adjudications de l'ONF l'ont en tout cas clairement montré.
Alors, il reste une bonne année pour se mettre autour d'une table pour parler cette fois entre partenaires et non plus entre opposants. Il doit bien y avoir un restaurant de chasseurs prêt à accueillir le représentant des Maires, des forêts du peuple, des forêts privés, de l'Administration, de la chasse, du monde agricole et tout autre interlocuteur concerné et ouvert à la négociation, pour, autour d'un bon repas, poser les jalons d'un avenir plus souriant pour tous. Sûr que notre Président serait prêt pour cette bonne cause, à ouvrir le chéquier de la FDC 67 .
Extrait du SDGC 2006-2012 concernant les dégâts et l'amélioration des capacités d'accueil
« la chasse est juste quand elle a pour but de préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la nature et de ses composantes. Elle est répréhensible quand elle a un autre but. »
Paraphrase d'Aldo Leopold, voire citation originale dans "le chasseur et ses instances restent-ils encore une force de proposition"