L'heure de vérité sur l'avenir de la chasse locale et tout particulièrement des territoires de plaine se rapproche inexorablement. Le gong sonnera-t-il le glas au plus tard en 2015, l'année des ré-adjudications des territoires communaux ? Dans la situation actuelle tout porte à le croire. Jour après jour, l'hostilité grandit contre l'ensemble de la communauté des chasseurs, portée par les médias et une grosse lassitude des chasseurs devant la stigmatisation se développe progressivement.
"Qui a eu la peau du lynx" dans les Vosges, (voir lien), question posée le 13 juin dernier par le gratuit Rue 89 ou un nouvel article produit par l'hebdomadaire l'Est Agricole le 21 juin demandant entre autres aux Maires de résilier les baux de chasse des chasseurs défaillants face aux dégâts, montrent que la foudre et la grêle tombent de tous côtés sur la tête des chasseurs.
Sur ce blog, pas moins de onze articles* ont été consacrés, à travers différentes approches au "désamour" grandissant avec les différentes parties concernées par la nature, la faune, les biotopes. Des explications éclairées ont également été avancées pour comprendre les errements de la communauté. Dans quelques jours nous connaîtront un bilan intermédiaire des dégâts qui va être désastreux, en tout cas confirmer ce que "les apprentis sorciers" ont produit impunément, à quelques exceptions près, pendant des années. Le climat hostile n'en sera qu'accentué d'autant plus que les gros morceaux sont encore devant nous, les dégâts de blé et de maïs sur pied.
Les intempéries vont également avoir des répercussions non seulement sur le moral, mais surtout sur le portefeuille des agriculteurs. Raison de plus de ne rien laisser passer et d'aller chercher chez le "responsable" les manques à gagner. Gageons que certaines relations duales vont être tendues, entre adjudicataires et exploitants, entre estimateurs et agriculteurs, car tout n'est pas systématiquement de la faute des sangliers, des chevreuils ou des lièvres.
Dans ce climat particulier, si la cible choisie est le chasseur, ce dernier ne va pas rester sans réagir. Tout ce qu'il faut espérer, c'est qu'il saura faire preuve de "zénitude" et de sang froid, quand on viendra le chercher soit sur le terrain, soit dans les rencontres officielles. Il conviendra de "peaufiner" les arguments qui sont réels.
Dans ce sens les discussions sur le futur cahier des charges des chasses communales seront révélatrices tant du climat entre "partenaires" que des perspectives à venir.
Dès le 8 mars dernier, j'ai transmis à la Fédération Départementale une réflexion qui sera en toute vraisemblance au cœur des débats (cf fichier joint). Elle concerne la seule question à se poser dans le contexte actuel : pourquoi prendre encore une chasse, au regard des règlementations, des contraintes externes et internes et des risques financiers liés au paiement des contributions complémentaires des dégâts de sangliers ?
"Tirer sur le chasseur" ou faire feu de tout bois contre lui est chose facile. Mais au final que lui reproche-t-on ? De s'approprier d'un côté la nature et de l'autre de vouloir du gibier sur son territoire. Dans la situation conflictuelle actuelle, personne ne veut cependant savoir pendant combien de temps encore le chasseur se laissera intimider de part et d'autre.
Si le chasseur a le devoir de gérer les populations dans le respect de l'équilibre agro-sylvo cynégétique, il n'en a pas moins des droits.
Or le premier qui fait partie de son contrat entre le bailleur, la commune et lui c'est "de pouvoir jouir paisiblement de la chasse". Juridiquement, c'est le même article que celui qui régit les contrats de location d'un appartement : l'article 1719 du code civil. Que dirait un locataire à son propriétaire, si l'appartement était en permanence dérangé, si les locaux étaient modifiés ou détériorés du fait du propriétaire en cours de bail, si "la chose n'était pas entretenue au point de ne plus pouvoir servir à l'usage pour lequel elle a été louée" ? Gageons que les recommandés fleuriraient, tout comme les contentieux.
Maintenant, prenez aujourd'hui une chasse entre ce qu'elle était et ce qu'elle est devenue au fil des ans ? Des troubles permanents du territoire avec la "rurbanisation", des biotopes naturels modifiés ou détruits, des extensions d'aménagements industriels ou immobiliers, des pressions de plus en plus forte sur les densités de grand gibier, une réduction permanente des populations de petit gibier, avec la perdrix en voie d'extinction, le faisan naturel en disparition et le lièvre moins nombreux que les renards.
Ce non respect de l'article 1719 a donc forcément une conséquence ou incidence forte sur la définition actuelle et future d'un territoire de chasse et sa consistance. Personne ne pourra faire l'impasse à l'avenir dans ces conditions sur l'interrogation fondamentale "qu'est-ce qu'encore un territoire de chasse" et quelle est encore la valeur cynégétique d'un territoire ?
L'analyse faite dans le courrier du 8 mars 2013 à la FDC 67, doit donner à réfléchir à toutes les parties prenantes. D'une part, une bonne partie des territoires sont aujourd'hui rendus impropres à la chasse au regard de l'arrêté préfectoral du 11 juin 2007, souvent d'ailleurs des zones exposées aux dégâts de grands gibiers. D'autre part, la perte continue de biotopes encore favorables à la petite faune accentue jour après jour le désert cynégétique que deviennent nos plaines (cf article du 9 mai 2013) . Enfin, le mode de financement mis abusivement en place par le Fonds d'Indemnisation des Dégâts (FIDS 67) et qui a favorisé l'explosion des densités de sangliers (cf les articles à ce sujet) pour maintenir l'attractivité des chasses de forêt, va créer à l'avenir deux types de territoires : ceux éloignés du risque de dégâts de sangliers et ceux dans ou proche des zones à dégâts. Compte tenu de la variable FIDS 67 de la sur-cotisation annuelle qui peut faire exploser de 3 à 10 la facture du coût de la chasse, aucun chasseur un tant soi peu sensé ne prendra une chasse dans un secteur à risque FIDS 67.
Certes, la chasse est une affaire le plus souvent de passion qui peut rendre aveugle, mais nous sommes aussi en période de crise financière et les "bonus" financiers, deviennent plus maigres, les circuits de blanchiement plus contrôlés tout comme la fraude fiscale. Tôt ou tard la chasse va subir la tendance aux restrictions budgétaires des ménages. Quand on sait que localement les adjudicataires avec encore des moyens financiers sont pour la plupart des seniors qui n'iront plus vers un renouvellement de bail, l'offre de territoires sera largement au-dessus de la demande pour l'ensemble de ces raisons.
Celui qui a de l'argent, sait en principe aussi calculer : croire que le chasseur continuera à verser des euros à fonds perdus pour ne plus avoir la maîtrise de son territoire, pour ne plus avoir de gibier, pour être considéré uniquement comme un régulateur, pour être le méchant aux yeux des autres utilisateurs de la nature, pour être sous pression permanente d'un plan de chasse, pour être dans la spirale infernale de la mutualisation des dettes du FIDS 67, fait fausse route.
En cas de renoncement des chasseurs, comme le laisse entendre la tendance actuelle, il faudra en lâcher des lynx et des loups dans les Vosges pour parvenir à l'équilibre sylvo-cynégétique, il en faudra des agriculteurs avec permis de chasse et du temps pour tenir l'équilibre agro-cynégétique et la régulation des corvidés, il en faudra des louvetiers pour prendre en compte les missions du Préfet, il en faudra des agents de l'ONF pour gérer les hectares de forêts domaniales et des arbres pour combler la perte des produits de la chasse dans le budget.
A trop vouloir tirer sur la "poule aux œufs d'or", celle des années de la corne d'abondance, la gestion de la nature risque de coûter bientôt cher aux contribuables, le chasseur étant le seul, aujourd'hui, à mettre fortement la main au portefeuille.
Notre loi locale de chasse aura très certainement également des soucis à se faire. A Paris et dans les hautes sphères, gageons que tout cela laissera aussi assez indifférent, voire réjouira ceux qui ont un ressenti contre les particularismes régionaux en France.
* articles du 3-4-6-11-15-18-23-24-25 mai 2013 et du 3 et 7 juin 2013
/https%3A%2F%2Fwww.rue89strasbourg.com%2Fwp-content%2Fuploads%2F2013%2F06%2Flynx_01-514x342.jpg)
1983-2013. Ce pourrait être l'inscription d'une pierre tombale, celle du lynx dans les Vosges. Atteignant une trentaine d'individus dans les années 2000, sa population a ensuite drastiquement chuté
http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2013/06/13/societe/qui-a-eu-la-peau-du-lynx/
Le chasseur alsacien dans le collimateur
Pourquoi prendre encore une chasse ?