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Aller aux battues, c'est aussi pouvoir observer les pratiques des uns et des autres quant aux soins apportés à la venaison du grand gibier. S'il y a certainement encore des progrès à faire de ci de là pour réduire le temps qui s'écoule entre la mort de l'animal, le ramassage , l'éviscération, son transport et son stockage à 7°, le point de divergence ou de polémique le plus observé concerne certainement la question du rinçage interne/externe des carcasses. 

En règle générale, les chasses les plus organisées avec des tableaux conséquents ont recours à l'eau amenée sur place et mise sous pression à l'aide d'un groupe électrogène. Autrement, c'est à coups de seaux d'eau remplis au bidon ou au container . Dans les deux cas, l'objectif est d'enlever le sang et les souillures externes, soit les milieux de cultures pour les bactéries et les germes, à moindre degré pour descendre rapidement la température de la carcasse.

Mon premier constant, c'est que la pratique du rinçage systématique s'est généralisée à grande vitesse un peu partout, sans forcément trop s'interroger si la pratique est toujours  pertinente tant sur un plan sanitaire que de la qualité dégustative de la viande. La pratique est devenue dogmatique selon le principe du copiage du voisin, si tout le monde le fait, je le fais aussi.

il est clair qu'avec la mort de l'animal les parois de l'intestin deviennent perméables et donc un facteur fragilisant pour la qualité et la sécurité sanitaire de la venaison. Ce risque bactériologique de contamination interne est d'autant plus fort que du temps peut s'écouler entre les premiers tirs et le traitement de la carcasse. Il est tout aussi évident que le risque s'accroît selon la qualité du tir (point d'impact, axe d'entrée/sortie de la balle, calibre-expansion du projectile) qui rend en principe impropre la balle d'estomac ou de panse.

Il est clair aussi qu'avec l'ouverture de l'animal, la venaison est exposée à  la contamination externe par des germes. Aujourd'hui, ce facteur de risque est toutefois de mieux en mieux pris en compte et sur plus en plus de chasse on trouve maintenant des équipements dédiés à l'éviscération hors sol, avec des outils simples ou sophistiqués allant d'une simple suspente à la potence avec palan.

Reste notre cas du rinçage systématique des carcasses ouvertes. A l'observation on s'aperçoit que le sujet peut être sensible, voire délicat à discuter. Malgré de nombreuses publications sur la "sécurité de la venaison " depuis 2009 et la réglementation du législateur, malgré de nombreuses conférences de spécialistes de la venaison ou d'intervenants d'associations du monde de la chasse, difficile d'avoir des références tranchées. Vous avez les inconditionnels du rinçage s'appuyant sur la pratique des abattoirs, vous avez les vétérinaires, vous avez les grossistes/ateliers de traitement de la venaison, mais aussi les cuisiniers, soit de nombreux avis et positions.

Si on prend la référence du terrain, notamment la battue, il faut dire que le "temps de l'éviscération" est quelque fois plus un moment de tension que de camaraderie, selon le nombre de pièces au tableau et de "petites mains" disponibles. Frénésie, rendement, mécanisation des gestes, recours ou non à une coutellerie dédiée aux différents gestes nécessaires, énervement entre la masse de travail et de soins à apporter à la venaison entre les équipes opérationnelles et la vision des chasseurs déjà installés au chalet ou autour du feu au chaud pour refaire la journée, font que, "le plus vite au mieux" peut prendre le dessus sur la pertinence. Pourtant, une pièce tirée avec une balle de tête a-t-elle besoin d'être traitée comme une autre avec une balle de panse ?

Il est vrai aussi que la notion d'équipe est aussi un élément souvent très présent dans l'organisation des battues. On trouve ainsi les "videurs", les collecteurs de prélèvements et de viscères et "les rinceurs", le tout dans un objectif   de présentation réussie du tableau, voire d'acheminement rapide du gibier dans une chambre froide.

Maintenant, si on s'en tient au protocole strictement sanitaire, toute pièce disons pour faire simple, "coffrée", pose problème. A la base, le principe est simple, toute balle de panse ou d'estomac rend le gibier inapproprié à la commercialisation. Rincer la carcasse ne fait qu’accroître le risque de contamination totale, le nettoyage à l'eau ne faisant que disperser sur tout l'animal saletés et matières fécales. Seule possibilité, au couteau, retirer au départ entre la peau sale et la chair propre toutes les parties à risque. Il est vrai que sur un chevreuil, le résultat final peut être pitoyable, mais même s'il ne reste que les gigues, c'est préférable à la présentation d'un chevreuil rincé pour "camoufler" un mauvais impact. Par extension, l'application stricte des règles sanitaires en matière de venaison devrait interpeller beaucoup plus les chasseurs sur la pertinence de l'organisation de nos battues (emplacement/distance des postes au regard des parcelles traquées, type/qualité des chiens utilisés pour broussailler, conduite de la traque).

Pour ma part, je reste guidé par les anciens, par ce que j'ai vu dès mon plus jeune âge. Le principe est simple "ce que je donne ou vend doit être impeccable, en tout cas supérieur à ce que je garderai pour moi-même". Chez Beaumont, la quasi totalité des gibiers ont été commercialisés par Monsieur Engelberger, célèbre marchand de gibier de Colmar après-guerre et jusque vers la fin des années 70. Béret noir sur la tête, il avait l’œil et le toucher, particulièrement pour le petit gibier, pour voir avant et au moment de charger dans sa fourgonnette toute pièce impropre à la vente. Si d'aventure il lui en échappait, le rattrapage se faisait au moment de la facturation ! Pour le grand gibier, pas question de laver une carcasse, à l'exception d'un rinçage éventuel de la cape en cas de présence de boue. Par ailleurs, le chevreuil n'était jamais tiré en battue  d'hiver, toujours en tir sélectif dans la plaine ouverte par une petite équipe de spécialistes dirigée par mon père et avec des tireurs dédiés dont j'ai eu le bonheur de faire partie dès mon plus jeune âge, ce qui réglait le problème, à quelques exceptions près, des "mauvaises balles". En cas de souillures de chaire, c'était la découpe au plus large, un passage au chiffon (le sopalin n'existait pas encore) et le cas échéant la non commercialisation.

Laver à grande eau une carcasse souillée est une ineptie. Passer un jet sur une pièce éviscérée dans les règles et propre n'a pas de sens, un chiffon/sopalin suffit à enlever les poils si nécessaire. Nous avons à faire à du gibier en principe vendu ou donné à des connaisseurs et non à des volailles ou des carcasses de porcs ou de bovins à présenter en étal, si possible avec une couleur appétente, donc sans vision de sang (coagulé). Par ailleurs, au regard des quantités de gibiers consommés depuis l'après-guerre et des quantités de viande d'élevage où sont à noter les scandales sanitaires, où sont les intoxications, dans la filière venaison ou agricole ? Apportons déjà tout le soin auquel un gibier tiré a droit, le plus vite possible après son tir et ensuite on peut toujours discuter de la nécessité d'un rinçage ou non de la viande.

Maintenant, si on est vraiment un inconditionnel du lavage, il y a en tout cas une étape à ne pas laisser de côté, la suspension par les pattes hors frigo du gibier, le temps de laisser sécher l'eau du rinçage, ce qui n'est pas sans problème, le cas échéant.

Tag(s) : #Faune-Nature-Ecologie et Chasse
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