Dans ma publication du 18 janvier, je suis parti de la "campagne publicitaire" en cours faite aux chasseurs et aux sangliers. Rien de bien neuf dans la manière de monter un plan de communication pour faire monter en boucle une mayonnaise médiatique dans laquelle le monde agricole, premier concerné, est évidemment "chef d'orchestre", du moins expert en gestion du PAF et du temps médiatique.
Utiliser toutes les ficelles pour faire parler, mettre la pression est un métier, un art, l'important n'étant pas ce que l'on peut dire, mais ce que les cibles visées vont "imprimer" à la sortie et surtout faire, lorsque l'objectif est d'obtenir des prises de mesures. A ce petit jeu, comme dans le cochon, tout peut être bon : de l'expertise, l'argumentaire objectif et construit à la mauvaise fois, l'hypocrisie, la désinformation, le ridicule. L'essentiel est de tenir la parole, de faire parler de soi, d'influencer, de peser sur des décisions futures, de montrer à ses partisans ou membres dans le cas d'une assemblée générale, qu'on les défend vaillamment. Dans ce genre d'exercice, le danger est grand aussi d'aller vers des prises de positions extrêmes, la surenchère, voire le n'importe quoi.
Sauf à ce que les paroles aient été mal traduites dans l'article des DNA, cf p.j., c'est le cas des propos des intervenants à l'A.G. de la FDSEA 67 "implorant les chasseurs et les maires" d'agir pour endiguer les dégâts de gibiers. Petit florilège des propos tenus ou des mesures préconisées :
- "des nababs se moquent bien des conséquences pour les paysans", en parlant de "certains chasseurs extérieurs qui louent au prix fort des lots pour leurs loisirs personnels"...
- "que les battues administratives servent à tuer autre chose que le temps"...
- "les nouveaux maires devront être plus attentifs à la responsabilité des locataires qu'au chèque de location en fin d'année"...
- "l'Administration doit mettre en œuvre d'autres moyens de sanction, comme le retrait du permis de chasse"...
- "des formations intensives doivent être faites aux chasseurs avant la saison de chasse"...
- "la fin de l'agrainage doit être proclamée"...
- "les agriculteurs qui connaissent bien le terrain et savent tirer doivent redevenir chasseurs"...
- "il faut éviter le chasse bashing, on a besoin des chasseurs pour réguler davantage les laies suitées et pour éviter l'arrivée de la peste porcine africaine"...
Si les propos sont militants donc destinés à chauffer la salle et faire de la punchline, après tout pourquoi pas, on est dans un pays de libre expression, s'ils sont sérieux, Anne Roumanoff dirait, "Bernadette, calme-toi".
Plus sérieusement, tout cela est-il vraiment raisonnable, fondé, pensé ou juste une libération de la parole, un exercice de démagogie comme seule la politique en est capable ? Aucune proposition ne tient à l'analyse factuelle.
première allégation : si le monde de la chasse n'indemnisait les dégâts, oui on pourrait dire qu'il se moque des agriculteurs. Si le prix des indemnisations n'était négocié chaque année entre les Fonds d'Indemnisation et les FDSEA respectives, oui on se moquerait. Quant à l'argent des locations "au prix fort", le grand public sait-il, lui, où il va ? Sait-il, lui, qui en bénéficie sous une forme ou une autre ? Pas sûr qu'il connaisse les deux options laissées par le Cahier des Charges des chasses communales, Titre III : la répartition aux propriétaires fonciers ou le plus généralement la reversion des produits à l'association foncière, à la caisse d'assurance agricole ou au budget de la commune pour une utilisation dans l'intérêt collectif local, soit avec un retour au monde agricole. Maintenant, il paraît aussi que "les bons comptent font les bons amis", alors poussons les raisonnements jusqu'au bout sur les indemnisations. Qui aujourd'hui compense la destruction des biotopes, la fauche des faons, des levrauts et des nichés perpétrée par le machinisme agricole et le toujours plus ? Qui indemnise les pertes occasionnées au monde de la chasse, quel agriculteur lève encore le pied quand il sait la fragilité des animaux sauvages en période de fauche ? Il est pourtant un article du code civil qui dit que "la casse se paie"...
deuxième allégation concernant l'utilité et la conduite des battues administratives : en quoi le Président de la Fédération des chasseurs est-il concerné ? Elles sont du ressort de l'Administration et des lieutenants de Louveterie. A eux de gérer leur efficacité et le choix des tireurs, en aucune manière cette prérogative revient à la Fédération des Chasseurs.
troisième allégation sur le chèque des locations : lorsque la valeur cynégétique des lots de chasse sera devenue nulle, suite à l'éradication du grand gibier, avec quelle compensations financières les communes, notamment sans grandes recettes directes, équilibreront-elles leurs budgets ? Qui va remplir les bistrots locaux et autres restaurants-hotels-gîtes de proximité ? Attention le monde agricole et forestier n'est-il pas entrain de tout faire pour tuer la poule aux œufs d'or qui l'a bien aidé à renflouer l'économie locale et pour laquelle il faudra trouver d'autres recettes, auprès cette fois des contribuables des communes.
quatrième allégation sur le retrait du permis : mais bien sûr et tant qu'on y est mettons aussi le chasseur en tôle, mais par quelle procédure pénale ? Le Cahier des Charges prévoit la possibilité de "dégager" un locataire dit "laxiste ou désinvolte", en réponse à un ardent souhait du syndicat majoritaire, mais posons la question pourquoi cela ne marche pas ? Tout simplement à cause du chèque de l'allégation trois...
cinquième allégation sur les formations à la chasse, cette proposition ne manque pas de rappeler le vieux principe politique qui veut que quand on n'a pas de solution à un problème, on crée une commission. Dans notre cas, on fait plutôt une formation pour apprendre aux chasseurs à chasser le sanglier. En clair, vous n'y connaissez rien, cela fait toujours plaisir. Maintenant, si l'objectif est d'éradiquer le sanglier, une mesure beaucoup plus efficace est à faire : légaliser sur l'année le tir de nuit en plaine et en forêt avec intensificateur de lumière par arrêté préfectoral, comme vient de le faire la Moselle, voire avec lunette thermique par modification de décret. Cette mesure permettrait, outre de baisser les densités, de passer aussi d'une gestion quantitative du sanglier à une gestion qualitative, pour peu que le monde de la chasse se montre uni, intelligent et responsable...
sixième allégation, mettre fin à l'agrainage...on ne doit pas avoir la même lecture des textes, en l'occurrence le dernier Schéma cynégétique accepté par le monde agricole. Ce terme est devenu impropre puisque seule subsiste la "Kirrung", à raison de 5 L / jour et par poste fixe, soit plus ou moins que ce que mange un seul sanglier adulte et encore seulement sur les chasses communales, puisque l'ONF est passé au sanglier "bio"...
septième allégation, le retour ou la venue des agriculteurs parmi les chasseurs : si je suis objectif sur les raisons pour lesquelles nous avons peu de partenaires agriculteurs, je me fais "basher grave" par le monde agricole, alors je botte en touche, les syndicats agricoles n'ont qu'à mener l'enquête sur les causes qu'ils connaissent tout autant que nous.
enfin dernière allégation, éviter le "chasse bashing", on peut encore avoir besoin d'eux : j'ai déjà beaucoup écrit sur le monde agricole qui veut "le beurre, l'argent du beurre et le cul de...", on est en plein dedans. Le penser est une chose, l'exprimer en est une autre, surtout si c'est pour faire tirer aux chasseurs "les laies suitées". N'en déplaise au syndicalisme agricole, nous n'avons besoin de personne pour nous dire comment nous devons chasser et pour qui. Tout le monde oublie qu'il n'y a que le monde de la chasse qui ne dispose pas de la libre jouissance d'un bien qu'il loue à un tiers. Qui irez prendre en location un appartement ou une maison si tout lui était imposé par des textes et des directives, de son mode de vie à son mode d'utilisation ? En matière de chasse de droit local, nous payons cher un droit qui n'en est plus un. Il faut vraiment être.... passionné, bien sûr !