Sortir de "sa zone de confort" en voyageant dans un pays aux antipodes de ses codes, de sa façon de vivre, de se nourrir, de conduire, de s'habiller permet, quel que soit l'âge, de "revoir sa copie", pour peu qu'on accepte de mettre de côté toutes ses références personnelles, son confort de vie, ses préjugés. Il est aussi des pays qui marquent plus que d'autres, dans notre cas certainement parce que nous avons eu la chance de vivre en "immersion" pendant un mois, loin des programmes des Tours operators, mais aussi dès lors que vous acceptez de vous laisser submerger, sans résistance, par la lame de fond des différences de modes et conditions de vie. Oui, l'Inde est "incredible", comme elle aime à le dire au monde, oui, l'Inde fait partie de ces pays qu'on aime ou déteste, sans demi-mesure, oui l'Inde est fascinante et déconcertante, pauvre et riche, grouillante, submergée par le non biodégradable, soit par la civilisation des plastiques, marquée, comme partout dans le monde, par la guerre des croyances religieuses, oubliant, comme nous, la sagesse de Gandi "God has no religion". Oui l'Inde, c'est un énorme fond de commerce sur fond d'Ashram et de yoga faisant venir des milliers d'occidentaux en quête de quelque chose, oui l'Inde c'est le royaume des gourous drainant les masses, des soins et massages ayurvédiques, des temples payants aux couleurs roses bonbons à l'extérieur et noires à l'oppression à l'intérieur, réservés exclusivement aux hindous dans les parties sanctuarisées, avec un filtrage au faciès sans concession ni ouverture dégageant une forme de malaise sectaire.
Non l'Inde n'a pas encore laissé dans son passé son système de caste, constitutionnellement illégal, mais présent dans les comportements et relations sociales ou professionnelles, non l'Inde ne fait pas encore la part belle à toutes les femmes, en l'occurrence à celles qui ont la charge du quotidien besogneux soit de remplir la marmite et dans un pays de 1,339 milliard d'habitants cela fait du nombre, non l'Inde ne connaît pas les 35h, ni les 24 jours de congés payés, prendre du repos est plutôt mal vu, la plupart du temps le salarié se contente de week-end de trois jours, non les diplômés ne se voient pas offrir des ponts d'or par les entreprises et la voie publique n'est pas plus royale et pousse ses fonctionnaires à ce que nous appelons la prise illégale d'intérêts.
Tenir debout reste pour une grande partie de la population compliqué et empêche certainement pour beaucoup la contestation, faute de temps et de force à y consacrer, surtout dans les campagnes. Pour autant, l'Inde bouge et bougera avec les nouvelles générations de plus en plus entre les mains éducatives d'écoles religieuses congrégationalistes en tous genres ou musulmanes . Elle bougera face aux défis environnementaux, à la nécessité de juguler les pollutions anciennes et à venir. Saura-t-elle faire les bons choix ? Pour l'instant, le deuxième pays le plus peuplé au monde fait les mêmes erreurs que nous, oubliant que "l'argent ne se mange pas" et que fomenter le trouble sur fond d'émigration ou de suprématie religieuse ne peut que mener vers le désordre et la haine.
L'Indien du peuple quelle que soit sa religion ou croyance est envers le voyageur chaleureux, curieux, ouvert, heureux de vous rencontrer, toujours prêt à vous ouvrir sa porte pour un thé ou un café pour peu que vous lui prêtiez attention ou ayez envers lui un regard souriant. Peut-on encore en dire autant chez nous ?
Reste l'Inde nationaliste des dirigeants que les récentes émeutes à New Delhi ont brutalement rappelé au monde. Volonté de suprématie d'une communauté contre paix et fraternité des hommes, un refrain à l'international, hélas actuellement bien dans l'aire du temps de l'Europe à l'Outre Atlantique. Le svastika est un symbole de paix et d'espoir en Inde, il est devenu chez les nazis celui de la suprématie d'une race, puisse-t-il rester dans sa version originelle et ramener les politiques et les hommes tentés par l'aventure de la domination extrême dans le droit chemin.
En 1956, Christian Jaque a réalisé un film culte oublié sur la solidarité internationale et l'humanisme, "si tous les gars du monde", il n'y aurait les politiciens de métier et "électoralistes", peut-être que le monde s'en porterait mieux, en Inde comme chez nous.