A l'heure où à longueur de journées tout est critiqué, remis en cause, rarement pour être constructif, juste pour exister, occuper un espace médiatique, gagner de l'argent, au mépris souvent de la sincérité et du respect de l'autre, la chasse ne peut échapper à ce jeu de massacre qui consiste à faire feu de tout bois, comme dans un jeu vidéo créé pour dézinguer virtuellement un maximum de zombis ou de vampires.
La vie, d'autres diront le destin, m'a fait naître dans un domaine de chasse du temps où l'Alsace était presqu'encore "un grand jardin", avec un fleuve frontalier de haut en bas encore indompté et une forêt rhénane sauvage, des rues de villages du Ried sans asphaltes ni trottoirs, boueuses en hiver, poussiéreuses en été. La paysannerie y dominait la vie sans tracteurs, mais avec des attelages de chevaux ou de bœufs. Les paysages alternaient bosquets, prés et champs morcelés par la polyculture. C'était le paradis sur terre, un immense terrain de découverte de la nature, sans personne pour vous gaver les oreilles avec de la biodiversité, sans idéologues donneurs de leçons sur la gestion du vivant, sans moralistes troublés par la main armée d'un humain qui ôte la vie à un animal sauvage. C'était du temps où la chasse de la bécasse à la croule ne troublait la tradition, où le pissenlit poussait encore plein labour, où les petits oiseaux annonçaient à pleine gorge le printemps des morilles.
Le virus, celui de la chasse, en particulier individuelle et non celui qui divise tant gens et vie sociale aujourd'hui et presque tout autant monde de la chasse et générations élevées par le téléviseur, gens des villes et de la ruralité, ne pouvait que faire son chemin, devenir un accompagnateur fidèle de ma vie, sans aller toutefois vers une passion absolue, celle du chien lui a toujours été supérieure. « Pour tuer, il faut que l'envie vous en monte du ventre à la tête" disait dans son dictionnaire amoureux de la chasse Dominique Venner, je ne l'ai jamais eu suffisamment intensément pour privilégier le tir à la quête. Les sensation et les émotions liées à l'attente, à la recherche, au pistage d'un animal, à poil ou à plume sont tellement fortes qu'elles suffisent à sublimer une sortie, une journée, une soirée, une nuit. Le tir n'est que le résultat d'une habileté, d'une somme de savoirs et d'expériences, d'une décision, capable d'engendrer regret, mal être, le syndrome de saint Hubert.
La chasse comme loisir ou activité sportive est remise en question, dans le collimateur d'une minorité militante autour de la cause animale convaincue qu'hommes et animaux se ressemblent fortement, comme si le gibier chassé n'était aussi que des hommes. Si les animaux ont un langage interspécifique, que je sache ils ne savent parler ou construire des phrases, ni améliorer des inventions ou d'en développer de nouvelles et encore moins réfléchir sur eux, leur devenir ou celui de leurs progénitures. Au même titre que l'homme, ils restent des créatures du monde, avec un ethogramme propre et méritent le même respect, à titre sauvage ou domestiqué. Le chasseur digne de ce nom, non seulement le sait, mais le fait. Sa pratique, particulièrement dans nos trois départements s'appuie sur des règles de gestion et d'éthique de tir.
Ce sont les pertes de ces principes fondateurs qui ont progressivement mis sur le banc des accusés l'ensemble du monde de la chasse.
Ce sont les dérives de l'homme détestable et pas bon qui ont conduit à remplacer la bonne gestion des vies animales par la chasse vers la chasse marchande où de tir, vers la recherche de grands tableaux, vers la trophéite sur un week-end, bref vers une perte d'éthique au profit du résultat.
Ce sont ces causes qui ont produit les conséquences qui aujourd'hui font perdre la main aux Fédérations au profit des "Diktats" venus d'officines et de bureaux. Elles se nomment dégâts agricoles et forestiers, densités ingérées du grand gibier.
C'est en parallèle les politiques d'aménagement du territoire avec une artificialisation explosive des terres et le développement de projets territoriaux, autour du tourisme de loisirs et de pleine nature qui ont drastiquement réduit les espaces vitaux de la faune sauvage chassée. Augmentation du grand gibier, diminution en même temps des capacités d'accueil des territoires et perte de quiétude par la pression humaine, pas besoin d'être scientifique pour comprendre la suite et les états des lieux défavorables aux ongulés qui ne cessent de tomber sur eux.
C'est l'apogée d'une agriculture guère éco-responsable, de plus en plus industrielle et de moins en moins nourricière qui a détruit petit gibier à plume et à poil et conduit au repli des chasseurs sur la forêt et à l'émergence du gibier ressource, tout particulièrement le sanglier.
Si sur les conséquences la messe est dite par la mise en avant d'une seule politique, forêt avant gibier qui rend vain toute idée d'action pour une fédération départementale, il y a sans doute encore des ouvertures sur les causes. C'est là qu'existe encore des leviers d'actions concrètes.
A savoir, quelques pistes non exhaustives :
- bannissement des chasses marchandes par sous-location ou autres bidouillages connus
- délimitation des lots non sur la base du banc communal, mais sur celle des limites cynégétiques pertinentes
- retour vers une limitation du nombre de chasseurs en battues
- maintien de la règle du 1/3 pour les bracelets chevreuils
- ouverture de la chevrette en deuxième année au 15 mai avec le brocard
- uniformisation des règles de tir des cervidés entre les trois fédérations départements de la loi locale
- maintien du principe de l'agrainage appât pour le sanglier (maïs) et du cervidé (pommes-betteraves en hauteur), y compris en forêt domaniale
- instauration d'un agrainage linéaire dissuasif sectorisé pour les sangliers en fonction du degré d'exposition aux dégâts, y compris en forêt domaniale
- suspension du permis de chasse pendant un an ou plus en cas d'infractions constatées sur l'agrainage, la sous-location, l'heure légale de tir et le tir de nuit d'espèces non autorisées
- aménagement des lignes de tir en battues avec des chaises, selon la dangerosité des territoires
- martèlement dans les têtes des chasseurs de la formule simple de sécurité, DIF30, tir à courte Distance, Identification avant tir, tir Fichant, dans l'angle des 30°
- création et gestion d'une plateforme unique par les Fédérations pour recenser les dates et lieux des battues, avec en contre partie obtention de remplacer les panneaux "chasse en cours" par l'interdiction de passer
- création au niveau national d'un livret sur le bon usage de la nature par tous, vu sous l'angle des animaux et non des utilisateurs.
Presque un programme électoral !