
Quand je regarde les sites et blogs qui traitent de la chasse, les articles mettant en cause "la gestion" de la grande faune par l'ONF ne sont pas légion. Etonnant, pourtant, il y a de quoi écrire, de plus, beaucoup de nos chasseurs étant confrontés à la question sur leurs lots. le sujet ne peut qu'intéresser abonnés et lecteurs.
Dans ce sens, l'article publié le 11 avril par les DNA sur le conflit chasseurs-bailleurs-ONF, à l'exemple de la commune de Wissembourg, est à lui seul une excellente synthèse de tous les sujets qui frappent le monde de la chasse par rapport aux orientations prises par l'Administration forestière,
L'occasion en tout cas pour un lecteur du blog, concerné par la chasse en secteur domaniale d'exprimer sa vision de la situation qui au fil du temps a vu ce qui était appelé dans le temps "le partenariat" se dégrader.
Ci-après, sans filtre, son "billet d'humeur", intitulé : La calamiteuse gestion de l’ONF
"A un moment où notre pays cherche à faire des économies partout, il serait temps de se pencher sur la gestion de l’ONF. Un scandale bien connu de ceux qui s’intéressent à la question, car il dure depuis des décennies, tout a été dit, ou presque, notamment dans le rapport, très indulgent, de la Cour des Comptes du 19/09/24.
Extrait : la cour recommande de « définir des objectifs hiérarchisés et préciser les moyens associés ». Traduit en clair, on peut comprendre que l’organisme de contrôle ne sait pas où l’Office va et pense que ça va continuer à coûter cher , sans réformes de fond drastiques !! Dans la négative, l’Etat n’aura d’autres choix que de prévoir comme il l’a toujours fait, de couvrir la dette pour remplir ce tonneau des Danaïdes, par des subventions d’équilibre.
Se pose dès lors forcément la question, comment en est-on arrivé à cet état de faillite, comment a t on pu laisser les dérives s’installer depuis des années ?
L’ONF gère 1,7 M ha de forêt et plus 2,9M ha pour des collectivités. Mais, malgré la vente de bois qui lui est gratuitement donné par l’Etat, l’ONF enregistre chaque année des pertes et n’arrive pas, à couvrir ses frais d’exploitation et les coûts de régénération des parcelles exploitées.en parallèle.
Tous les gestionnaires privés arrivent à sortir des résultats positifs…. mais pas l’ONF qui ne parvient à maîtriser ses frais de gestion.
Un rapport fait en 2019 par l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) met le doigt sur quelques unes des aberrations de la gestion de l’ONF.
Quelques réponses :
-
Entre 2008 et 2018 ,l’ONF conscient qu’il y avait trop de fonctionnaires dans ses services baisse ses effectifs de 10%. Bravo, mais en même temps la masse salariale a augmenté de 7 % !! Cherchez l’erreur… quel responsable économique pourrait se permettre ce type de gestion ?
-
Les dépenses de fonctionnement étaient de 21% en 2017 à comparer au CNRS à 12.2, à l’INSERM à 12%, à l’INRA 13,4 % ! Seule une réorganisation territoriale et une refonte des outils avec une simplification de la gestion financière et comptable pourraient faire baisser ce ratio médiocre comparé aux autres établissements publics nationaux.
-
En 11 ans (2008/2018) le besoin de financement a été de 544 M, financé par 286 Me de subvention d’Etat, 31 Me de cession d’actif et 227Me d’endettement supplémentaire !L’endettement total dépasse maintenant les 400 millions d’euros. Définitivement l’ONF ne parvient pas à financer son fonctionnement sans recours à de l’endettement ou des subventions à fond perdu!
-
La comptabilité officielle de l’ONF présente des retraitements plus que discutables. Par exemple l’ONF a immobilisé des montants de travaux aboutissant à enregistrer au résultat de l’année N des perspectives de recettes réalisables à très long terme ( 40 à 180 ans !!). L’ONF a également procédé à des reprises de provisions pour 197,7 M de 2008 à 2018 alors que le risque semble réel.
-
Enfin, on peut se demander si la gestion même de la forêt est optimale : les phénomènes comme le réchauffement climatique ou les maladies comme la scolyte ont-ils été vraiment suffisamment anticipés ? tout comme la mortalité des plants dans les nouvelles régénérations a-t-elle été analysée ?
En résumé la gestion de la forêt par l’ONF est totalement déficitaire et le restera sans doute longtemps, si rien ne se passe, comme la bascule d’activités vers le privé et la filialisation des activités concurrentielles ce qui signifierait que l’Etat décide d’intervenir autrement que par des subventions en pure perte !
Reste à voir côté recettes, l’une des ressources stables de l’ONF et qui nous concerne, nous les chasseurs : la location des chasses. Nous venons de voir qu’en matière de sylviculture l’ONF peut mieux faire, c’est un doux euphémisme !!
Mais là aussi, la ressource des locations de chasse va en diminution. Deux raisons :
-
les prix des locations sont disproportionnés par rapport à la faune que l’ONF tolère à présent sur les territoires et le manque de concertation sur la gestion de la faune (car l’ONF décide seul des prélèvements à réaliser !) qui dégoûte forcément de plus en plus de chasseurs d’où le nombre important de lots abandonnés et remis en adjudication.
Pour donner une explication à la faiblesse de ses résultats, l’ONF donne deux explications : le réchauffement climatique et la prédation du gibier.
Pour le réchauffement climatique et son incidence sur la sylviculture, le problème n’est pas nouveau, mais il n’a pas été anticipé suffisamment tôt. Ce n’est que depuis peu d’années que l’on sélectionne des plants de variétés d’arbres plus résistants pour les nouvelles plantations. En Pologne, dans toutes les forêts d’Etat, il y’a des boites à insectes pour suivre l’évolution des parasites et agir en conséquence. En France beaucoup d’écrits et d’intentions sur la forêt en souffrance, mais par manque de moyens, suite aux années cumulées de pertes et à l’absence de véritable stratégie de la part de l’ONF, un retard à l’allumage.
Dans ce contexte de recherche de responsabilités, le coupable, le bouc émissaire tout désigné au mauvais état de la forêt est donc tout trouvé, c’est la faute du gibier. Pour le sanglier il est clair qu’une régulation s’imposait sur certains secteurs mais plus pour les dégâts faits aux cultures qu’aux forêts. Dans l’ensemble, on peut dire qu ‘aujourd’hui les chasseurs ont joué le jeu et progressivement baissé les densités de façon drastique. Pourtant les résultats sylvicoles ne sont toujours pas là, c’est donc au tour des grands cervidés d’être sur la liste des coupables. Là aussi, Il y a sans doute encore des secteurs où les densités restent trop élevées mais personnellement je n’en connais. Par contre je connais des massifs où l’on peut parler de véritable éradication des cerfs. Reste que les résultats sylvicoles ne sont toujours pas au niveau attendu, alors c’est aux chevreuils de passer sur la liste des indésirables, leur impact sur la végétation n’étant désormais plus accepté. Alors sans aucun contrôle des densités jugé irréalisable, les plans de chasse sont sans arrêt augmentés. Sur des chasses que je fréquente depuis plus de trente ans, il y avait plus de chevreuils que maintenant et pourtant on ne parlait pas d’abroutissements inadmissibles. Je me souviens d’un jeune garde Onf qui lors d’une réunion de soi-disant concertation avait déclaré : « les chevreuils quand on en voit plus, c’est qu’il y en a encore »...
Reste que quand il n’y aura plus de sangliers, de cerfs et de chevreuils qui pourra-t-on désigner pour expliquer que la forêt ne pousse pas plus vite ?
Enfin, que dire des lots conservés et gérés par l’ONF pour montrer comment exterminer rapidement les ongulés ? Normalement selon l’office, en un ou deux ans les territoires en régies allaient être «nettoyés» avec l’aide de chasseurs à la journée autorisés à tirer sur tout ce qui bouge, sans trop d’ éthique de chasse ( cf les biches tirées dans l’ex réserve de la Petite Pierre) et des fonctionnaires payés en heures supplémentaires. Bien entendu cette façon de procéder rapporte moins d’argent à l’ONF, mais c’est une goutte d’eau dans le volume de pertes habituelles.
Si l’on veut sérieusement gérer la chasse dans les forêts de l’Etat et des collectivités locales, il faudra une véritable concertation avec les fédérations des chasseurs. On ne peut pas laisser un fonctionnaire déconnecté des réalités du terrain fixer depuis son bureau en ville le nombre de cervidés ou de chevreuils à prélever sur un secteur. Les décisions de prélèvements doivent être fixées à partir d’études sérieuses de terrain (les enclos/exclos de l’ONF se révélant contestables).
C’est maintenant qu’il faut agir pour réformer en profondeur la gestion de l’ONF tant sous ses aspects de la sylviculture que de la chasse, St Hubert ne sera pas de trop !"