Selon le principe de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, les avis ou les camps sont de plus en plus partagés entre ceux qui croient encore en l'avenir de la chasse et ceux qui sont gagnés par la morosité, le scepticisme ou le pessimisme. Certes, certaines Fédérations pensent que si le chasseur "se met au vert" pour entrer à son tour dans ce qu'il est maintenant appelé "l'environnementalisme", une carte, voire un atout non négligeable reste encore à sortir ou à jouer. Dans ce cadre ou cette vision politique, la Fédération de l'Aude est souvent citée comme exemple, comme c'est le cas dans le dernier numéro de la Revue nationale de la Chasse. Il faut dire que l'on ne peut être qu'admiratif et envieux à la lecture des paroles du Président de la Région Languedoc-Roussillon "quand j'ai besoin de mettre de l'écologie en action, ce sont les chasseurs que je consulte en premier"...
Ce n'est pas pour demain que de telles paroles seront prononcées par nos élus locaux, nous sommes plutôt dans le camp des perdants, du chasseur dé-crédibilisé (voir mon article du 24 mai, "le chasseur local ou ses instances restent-ils encore une force de proposition".
Maintenant, l'Aude peut être simplement l'exception qui confirme la règle, parce que derrière toute politique il y a toujours d'abord la conviction d'un homme. Et puis, notre poids électoral n'est pas le même, au jour d'aujourd'hui, le Languedoc-Roussillon, c'est 75.000 permis de chasse, l'Alsace, autour de 15.000 électeurs...
Si je regarde et analyse les commentaires autour de notre "dossier sanglier" mis dans les médias par le Préfet, l'optimisme change par contre très vite de camp. Ce sont les opposants à la chasse qui sont les plus réactifs et qui paradoxalement occupent le terrain. Côté chasseurs, c'est "profil bas", ça rase les murs. "Quand tu es dans la merde, ne dis rien" pense le renard au milieu d'une meute de chiens courants; nous sommes dans sa peau. C'est que les "mesures préfectorales" prises pour stopper les dégâts sont du pain béni pour tous ceux qui militent pour la disparition de la chasse au titre du bien être animal, du "bambisme", ou de la tendance. On ne connaît pas forcément le sujet, mais on s'exprime, "c'est tout de même dégueulasse de tuer avec des phares et des voitures des sangliers en surnombre produits par la stupidité avide des chasseurs, en mal de sensations et de loisirs barbares". Sûr que notre argument phare, l'éthique de chasse" en prend un gros coup sur la tête.
J'ai toujours dit que si nous voulions avoir une chance de perdurer, c'est par l'exemplarité. Là avec la médiatisation du dossier sanglier et la prise de conscience de l'obligation de massacre par le grand public, notre image "papier glacé" perd de suite de son glamour. En deux articles publiés dans les Dernières Nouvelles et l'Alsace, le peu de crédit encore en réserve part en fumée. Pfuit, comme le clou dans le pneu du 4X4, en moins de temps qu'il ne faut pour bâtir l'image du chasseur responsable, protecteur des espèces, producteurs de vie, le sanglier badaboum fait tout s'écrouler. Que la mission "Terminator" soit confiée aux seuls Lieutenants de Louveterie, bras armés du Préfet, au titre d'une mission publique, ne change rien. L'amalgame est fait; tous les chasseurs sont dans le sac de la vindicte des opposants, toujours prêts à prendre une "balle" au rebond. Et de sortir, le rêve d'une nature sans intervention de l'homme, avec des lynx qui chassent les sangliers, alors que les connaisseurs savent que sa proie est le chevreuil, mais comme ces derniers sont "braconnées" par les chasseurs, autant en rajouter une couche... avec des loups, des ours et des contraceptifs balancés par hélicoptères, comme pour vacciner les renards contre la rage. Ce déchaînement militantiste pourrait prêter à sourire, si la tribune prise, sur fond de sensiblerie et d'arguments fallacieux n’amenait pas à chaque fois de nouvelles personnes à se rallier à la cause.
Nous sommes aujourd'hui dans une civilisation urbanisée et non plus rurale. Le moindre de nos pas et surtout faux pas est surveillé, enregistré, exploité. Une fois l'opinion "citadine" de la nature et du sens de la chasse faite, vous ne serez plus ni écouté, ni entendu. La civilisation urbaine avec les politiques veut voir aboutir très rapidement une nature dédiée à l'amusement, avec des prestations de service génératrices d'emplois. On a tué l'industrie en France, on tuera de la même manière la nature avec une faune sauvage libre chassée, par l'agriculture d'un côté qui va être de plus en plus industrielle et non plus nourricière et par "disneylisation" des espaces. Entre ce marteau et l'enclume, seront formées des espaces sanctuarisés sous formes de réserves, zones protégées, Natura 2000, etc...comme on l'a fait pour l' Afrique, pour se donner bonne conscience et encore créer du business, donc de l'emploi.
Tant que la croissance doit se faire pour les politiques par la consommation et donc par l'augmentation des populations sur la planète, les espaces seront de plus en plus convoités par les idées de l'homme et le besoin de place. Devant sa télévision, le Français refuse le mode de vie au quotidien de la fourmilière du Japonnais pris dans la nasse du métro, se heurte des effets de la pollution et de la surpopulation en Chine, en Inde ou à Mexico, mais gaspille de la même manière ses espaces déjà réduits, tout en rêvant de nature vierge, sans concurrence humaine.
Le boom des métiers autour de l'exploitation touristique ou de loisir de la nature est colossal ces dernières années. C'est un secteur en développement par ce qu'on a créé le besoin chez "l'homo urbanisé", en crise existentielle et sous l'effet du burn out ou du "nervous break down". Les arbres deviennent alors de l’accroc-branche ou des cabanes, le brame du cerf, une sortie à frissons, la montagne un parc de ski, d'escalade, de randonnée à pied, en raquette, de jour comme de nuit (merci les frontales), la campagne un circuit de running, byking, rolling, flying, la forêt un dance floor pour raveurs, un site pour jouer à la guerre, des chemins pour s'éclater avec des engins en tous genres.
Dans cette campagne du futur où la "Douce France" ne résonnera plus que pour les nostalgiques d'un passé où il faisait bon vivre, le chasseur gestionnaire et protecteur n'aura plus sa place. Sauf à détenir lui-même un espace agricole ou forestier, ce qui mène forcément à la privatisation de territoires par une minorité aux moyens financiers, il ne pourra plus prétendre tenir un territoire avec des conditions favorables pour les espèces sauvages et plus particulièrement le petit gibier naturel déjà en perdition, voire en disparition.
2015 sera pour les chasseurs locaux l'heure du choix. Continuer à croire que le chasseur sera encore le bienvenue dans les campagnes et les forêts, avec suffisamment de liberté d'action pour exercer son engagement ou sacerdoce au profit de la sauvegarde de la faune sauvage par la chasse qui pour exister a besoin de conditions ou s'avouer vaincu face à la réalité du terrain.
Je prends mon exemple tiré du vécu de la semaine passée et de cette semaine. Jusqu'à lundi dernier, à deux nous sommes sortis de nuit en permanence face à une offensive sans pause des sangliers dans les blés. Certes trois sangliers ont été prélevés, avec de belles actions de chasse, mais avec un résultat vétérinaire "Alaria alata" pour deux d'entre eux et une "tête dans le cul" avec la fatigue et une épouse partie seule passer une huitaine en Saône et Loire chez des amis. Certes, notre territoire reste à 0 euros de dégâts, pendant que d'autres affolent les compteurs, mais pendant ce temps là aucune sortie sur renards alors que nous sommes en période de sortie des tous jeunes levrauts, pas de sortie au brocard en période favorable de rut. Arrivé au dimanche une partie sensible du territoire fait l'objet d'une marche populaire sur l'ensemble de la journée et une autre partie du territoire est tachetée d'une multitude de fanions rouges, balisage pour des enregistrements sismiques à partir d'un camion enregistreur pour déterminer la pertinence d'une installation d'un puits géothermique... Comme si cela ne suffisait pas, ce matin, lever à 3h30 pour enfin faire, après 45 kms de route, une sortie brocard, avec à l'arrivée une "guinguette" version d'jeuns au milieu de la chasse, à renforts d'amplis et de générateur... Pour terminer, à partir de 7h15, une préparation d'une piste à travers prés pour le club canin local. Il manquait juste encore la montgolfière qui d'habitude fait du saute-moutons au-dessus des champs et des prés pour pimenter le tout.
Est-il besoin d'ajouter grand chose à mon état d'âme ? Une certitude, c'est la mort des chasseurs utopistes qui croient encore que le chasseur gestionnaire-protecteur a encore une place dans le monde de la chasse.
Aujourd'hui, cette génération qui croyait encore pouvoir inverser à force d'investissement et de travail la courbe vers la mort du petit gibier naturel va lâcher le morceau, fatiguée de "pisser dans un océan" et de parler dans le désert.
Demain, restera de plus en plus une seule forme de chasse, celle de tir où vous louez un espace, peu importe sa qualité cynégétique et son degré de perturbation, et le samedi-dimanche vous y lâcher de la "galinette cendrée" pour faire travailler votre chien. Le soir venue vous oubliez votre territoire jusqu'à la date de votre prochaine sortie. Mais surtout n'y faites plus rien d'autre. J'oubliais, bien sûr cet espace doit être le plus éloigné possible d'une zone à sangliers.
Vision sans amertume, mais réaliste et sans moi. Maintenant, si vous avez du mal à me suivre, allez du côté des pêcheurs, ils ont donné avant nous, avec la pollution des cours d'eau et comme seul recours les étangs privés ou les concours de pêche, ce qui n'empêche pas les politiques de nous faire croire que les saumons remonteront dans le Rhin avec le Grand Hamster sur les rives...