Beaucoup d'entre nous sont confrontés à la co-habitation avec les autres utilisateurs de la nature. Pour peu que le ton soit cordial, l'attitude ouverte et franche, l'argumentaire bien présenté et les choses finissent par s'arranger, lorsque l'interlocuteur est d'un abord ouvert. L'affaire peut se compliquer lourdement, avec un esprit fermé, sous prétexte que la "nature appartient à tout le monde" et surtout pas "au chasseur venu tuer bambi"... En bloc, toute la difficulté d'être chasseur de nos jours est résumée dans ces deux clichés.
A décharge de nos détracteurs, nous avons encore beaucoup de mal à accepter le partage de la nature, la multiplication des activités dites de pleine nature et à reconnaître que nous sommes parfois souvent aussi "invasifs" qu'eux. Qui entre une horde de 4X4, une troupe de gilets rouges armée avec une meute de chiens et une bande de VTTistes, de randonneurs ou de cavaliers est le plus perturbateur de la nature et de sa faune ? Si nos comportements et nos modes de chasse, notamment depuis la prolifération du sanglier qui nous fait battre en hiver la forêt à longueurs de semaines, étaient exemplaires nous aurions les arguments pour demander le respect de la quiétude animale. Mais comme déjà observé, "il est toujours plus facile de voir la paille dans l'œil du voisin, que la poutre dans le sien"... L'absence du garde champêtre ou du garde forestier il est vrai, fait aussi que nous sommes devenus pratiquement les seuls à intervenir le cas échéant face à un comportement préjudiciable à la quiétude d'un territoire. C'est donc avant tout la représentation que nous incarnons, "l'interdit" qui est souvent contestée par ceux qui sans limites utilisent la nature comme un parc de loisirs. Faut-il donc que nos propos soient justes dans leurs fondements et suffisamment "pédagogiques" dans leur expression pour que les messages soient réceptionnées comme nous l'aimerions. Jadis, l'appartenance familiale terrienne du promeneur aidait fortement à développer un sentiment favorable au chasseur. La chasse relevait le plus souvent encore de "l'ordre naturel des choses" pour le grand public.
Aujourd'hui, dans plus en plus d'esprits, il s'agit de bouter le nemrod hors des champs et des forêts, de s'opposer frontalement à lui, le dérangement pour sauver bambi fait donc partie chez certains utilisateurs d'une stratégie réfléchie. La non-chasse est à l'ordre du jour depuis plus de vingt ans, mais dorénavant le mouvement s'accélère. Il suffit de regarder vers Natura 2000 ou les sites classés en réserves pour comprendre ce qui va se passer. La sanctuarisation des espaces est en marche avancée. Hélas, de notre côté, nous avons aussi trop oublié d'évoluer, d'anticiper, et surtout de traduire en actes nos discours de grands gestionnaires, pour être des interlocuteurs crédibles.
Quand le politique cherche un gestionnaire d'un espace naturel, il va s'adresser au Conservatoire des Sites Alsaciens (CSA), à une association de protection de la nature, jamais il ne se tournera vers le monde de la chasse, électoralement trop risqué. (voir article du 24 mai 2013 "Le chasseur local ou ses instances restent-ils encore une force de proposition ?").
Je suis sûr que nous serions mieux perçu dans notre "obligation" de dialogue avec les autres utilisateurs de la nature, si nous disposions d'un livret pédagogique sur la chasse individuelle et collective de plaine et en forêt à remettre lors de chaque rencontre avec un tiers (cf pj). Une proposition dans ce sens avait été faite par un Président de GGC, mais jamais prise en compte par nos instances. Dommage, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Indiquer dans un Schéma Départemental de Gestion Cynégétique la ligne de conduite aux chasseurs reste au final un document interne de bonne pratique et une succession de règlementations pour limiter les "sorties de route". Encore faut-il que les "autres" connaissent notre vision de la nature et voient que nous appliquons les principes avancés.
Faute souvent d'avoir su démontrer par les actes que nous sommes dignes d'être leaders de la gestion des espaces et des espèces chassables ou nuisibles, chaque fait divers se charge pour nous mettre à dos le grand public rencontré au cours de nos sorties. A l'origine de toutes nos erreurs, peut être aussi notre refus de tendre vers le fameux "équilibre agro-sylvo-cynégétique", expression hélas trop galvaudée, mais pleine de bons sens dans le défi à relever de la chasse du XXIème siècle.
Artificialiser la nature par le quantitatif et le lâcher de cocottes, marchandiser la chasse par une offre de séjours mondialisée est une erreur de concept à mon sens, car elle touche trop la sensiblerie progressive du grand public non chasseur. La chasse produit "marketing" sur fond d'argent et de loisir est une "erreur de casting" qui peut nous coûter cher, car elle fait se retourner progressivement l'opinion publique, même si aujourd'hui les sondages sur la perception de la chasse nous sont encore favorables.
L'animal n'est pas ou n'a pas à être un faire valoir de l'homme, de son courage, voire de sa virilité. Regardez ce qui se passe avec la remise en question de la tauromachie. Les autres utilisateurs de la nature utilisent les mêmes arguments contre la chasse.
Si vous ajoutez encore à cela notre approche archaïque en interne qui nous fait perdre progressivement, la maîtrise du sanglier déjà passé aux Ministres et aux Préfets. Si vous tenez compte de la volonté de l'économique et du politique de développer la filière bois, la gestion du chevreuil et du cervidé par les chasseurs sera bientôt révolue également.
Et un jour, lorsque le poids économique de la chasse diminuera encore, pyramide des âges oblige, cela sera la gestion de la faune toute entière que nous perdrons à cause de notre esprit plus proche d'une caste que d'une communauté louable.
Il ne restera alors plus, à ce moment là pour les plus accrocs à la chasse de tir que les "cyné'tirs" pour se plonger après une séance, dans la nostalgie du passé; "yah tsellemohls" !
De quoi s'inspirer
"Lorsqu'on campe sur une position défensive, c'est qu'on a déjà perdu la bataille".