Eviter une approche dommageable pour la relation homme/chien, avec à la clé des problèmes comportementaux potentiels, nécessite également de se poser à un moment donné la question sur la manière de se faire comprendre par le chien : plutôt par la hiérarchie ou par l’empathie ?
La conduite « autoritaire » séduira les uns, plutôt partisan de l’instauration d’un rang social pour le chien, avec son inutilité, avec ses limites, en cas d’excès voire ses dangers du maître unique. Les autres rechercheront plutôt l’installation d’une connivence, par un travail d’adaptation du chien à son environnement humain, et sur la base de son système de valeur.
Quel que soit le choix préférentiel ou le conseil reçu - exercer un pouvoir absolu sur le chien ou rejeter la soumission par le despotisme - chaque camp devra mettre en place des contraintes, des limites, ou des codes adaptés à l’environnement dans lequel va vivre le chien. Seule la méthode d’intégration du chien dans son univers changera in fine.
Quel que soit le choix retenu, il conviendra également de se souvenir que chaque canis familiaris a aussi une sensibilité propre, liée à ses origines, ses conditions d’élevage, d’accueil, de vie, de parcours.
Il n’existe donc hélas pas de recettes universelles, comme trop souvent avancé par les uns ou les autres, pour bien intégrer un chien dans son milieu. Mais par contre il existe des ingrédients connus à adapter selon l’animal en présence et qui ne se trouvent pas en tout cas, ni dans le laisser aller, ni dans le rapport de force.
Bons nombres de spécialistes demandent d’installer le chien dans une hiérarchie familiale par l’application d’un certain nombre de principes incontournables :
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savoir gérer l’espace dans la maison. Il est conseillé d’attribuer au chien un espace à un endroit de non passage de la famille et de le déloger s’il se trouve sur le chemin. Chez le loup, Alpha joue en effet sur son droit d’occuper tout l’espace et donc de pouvoir déloger à tout moment un soumis
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savoir contrôler les voies de passages pour les mêmes raisons.
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refuser de le laisser tirer sur la laisse
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le faire manger après la famille
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savoir refuser à son chien tout accès placé en hauteur
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refuser de le laisser gagner un jeu d’opposition
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refuser de le laisser poser une patte sur vous ou la tête sur votre genou
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refuser de répondre à ses appels ou sollicitations.
Hélas, comme pour le dressage, la dominance dans la relation homme/chien n’est pas l’arme absolue pour s’imposer. S’autoproclamer « maître du chien » par l’application de règles autoritaires, c’est biaiser et surtout ignorer la question fondamentale : le chien nous voit-il bien comme une meute avec une hiérarchie ?
Bien sûr que non. Tout comme il ne cherche pas à s’accoupler à nous, il ne tient pas non plus à nous prendre en charge ou à nous maîtriser. Il sait qu’il est chien et que l’homme est positionné à part. Il a assez à faire avec lui-même.
Son système de valeurs n’est pas le nôtre. Il est bien plus simple. Il repose sur un objectif principal et unique, transmettre ses gènes au sein de sa population et sur un objectif secondaire, rester en vie.
Pour y parvenir, une seule chose compte donc pour lui :
optimiser en permanence son propre état de forme.
Cette « fitness » individuelle et indispensable, il ne peut la créer et la maintenir que par des fonctions simples :
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bien manger et beaucoup
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dormir longuement et sous abri
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appartenir à un groupe social
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trouver un partenaire pour la reproduction
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écarter de son espace des concurrents.
Or, aujourd’hui au stade où en est le chien familier, seul l’homme peut lui procurer tout ce dont il a besoin pour sa « fitness ». Pris au sens large et avec un brin d’anthropomorphisme, le chien nous exploite donc, en tout cas, nous utilise à son unique profit et selon ce pour quoi il est programmé.
Dès lors, à partir du moment où le chien familier attend de nous ce qui sert ses intérêts vitaux, installer une relation, ne passe plus par une position « équivalente Alpha », mais par le contrôle de l’accès aux ressources convoitées, dont la « bouffe » est la plus importante.
Dans ce sens, laisser par exemple, son chien s’alimenter en libre service toute la journée ou réagir à chaque quémandage alimentaire devient dès lors une erreur principale à ne pas commettre. C’est lui accorder l’accès à une ressource sans être passé par nous.
Tous mes chiens ont donc le droit de venir dans la chambre ou sur le lit, si je le souhaite, mais non en libre accès.
Tous mes chiens peuvent aller sur nos fauteuils, car c’est la place occupée par l’homme avec ses odeurs qu’ils aiment retrouver et pas forcément un confort ou une domination. (Il suffit de regarder comme ils se coincent souvent dans un fauteuil trop petit à leur taille).
Tous mes chiens peuvent être couchés dans les coins de passage, sans les en déloger, et en les enjambant le cas échéant.
Tous mes chiens mangent en premier, bien avant nous. Par contre, ils recevront la nourriture, lorsque je l’aurai décidé et dans un ordre bien défini. Si tout n’est pas pris, la gamelle sera retirée.
Le reste n’est qu’une question de conduite, de savoir communiquer, en privilégiant le non verbal et le para verbal, le recours au renforcement systématique des situations bien exécutées, aux sanctions brèves et apaisées, au calme et à la maîtrise de soi, à la patience et à l’habituation.
Sur un plan pratique, Stanley Coren a parfaitement résumé en cinq points essentiels les ingrédients pour se faire comprendre d’un chien :
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évoquer des activités qui l’intéressent
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utiliser des phrases simples
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s'en tenir aux mêmes termes
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prononcer son nom (signal pour le chien que ce qui va suivre lui est destiné)
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associer le son à une situation.
L’ennui, c’est que ce travail demande de l’énergie, de la rigueur, de la présence de la part de tous ceux qui entourent le chien et du temps. Des notions qui ne sont pas forcément présentes dans tous les foyers. La tendance est donc grande de vouloir mettre le chien soit dans un carcan rigide, soit dans le confort humain, de le laisser faire, pensant qu’il apprécie d’autant et tendra par reconnaissance à nous aimer. Hélas, il ne se montrera pas plus reconnaissant, étant incapable de le faire.
à suivre...
« Si le chien vivait 80 ans comme l'homme, ce serait lui qui nous tiendrait en laisse » Toussenel.