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De nombreuses raisons vont conduire l'Etat français à prendre prochainement des mesures car pour belles que peuvent être des marches unitaires, les fissures dans notre société sont réelles et ne s'effaceront pas le soir d'un dimanche 11 janvier 2015.

La "real politik" va rattraper dès semaine prochaine nos chefs et l'ensemble de la classe politique française, car il va falloir trouver rapidement les bonnes recettes pour à la fois assurer la protection des habitants du pays, sans trop empiéter sur les libertés individuelles, empêcher la poursuite des attaques islamistes radicales, revoir les moyens et l'organisation de la lutte anti-terroriste et repenser certaines stratégies de notre politique étrangère, sans compter les débats à mener à Bruxelles sur le plan de la politique commune européenne face à la montée des intégrismes . En fait du déjà vu et vécu après chaque attentat sanglant, à croire que le passé n'a jamais vraiment permis à nos dirigeants par délégation d'apporter les bonnes réponses.

Par traditions dites républicaines, toutes ces questions vont donc alimenter prochainement les conversations dans les cabinets, les hémicycles, les partis, les officines, les lieux de culte, les associations, les syndicats, les quartiers, dans nos chers médias et les bistrots du coin.

Ce challenge paraît cependant mort à l'avance si on reste dans l'approche habituelle du monde politique, d'abord en recherche de consensus avant de décider. 500 millions d'Européens, 65 millions d'habitants en France autant de visions personnelles sur les sujets. Comme en plus les décisions à prendre touchent à des thématiques sensibles, comme par exemple les libertés, l'immigration, les religions et que comme disait Arthur Schopenhauer "peu de gens savent réfléchir, mais tous veulent avoir une opinion", l'efficience ne risque pas d'être au rendez-vous.

Si le politique reste sur sa vision et stratégie politicienne "je consulte, mais c'est moi qui sait tout" ou continue à privilégier les notes de la Haute Administration au détriment de ceux qui quotidiennement ont "les mains dans le cambouille", c'est-à-dire pas forcément les chefs de service, "les montagnes accoucheront de souris" en attendant le prochain clash ou du moins ne seront de loin pas à la hauteur du défi lancé par les camps adverses.

Il était frappant de constater que dans les débats médiatiques durant les attentats, là où l'on laissait la parole à des gens du terrain, les solutions proposées étaient souvent plus pertinentes que celle des politiques pris dans leur lignes partisanes et engagements antérieurs.

Globalement, les candidats à l'action terroriste sont connus des services spécialisés nationaux et "amis". Mais comme on ne peut mettre un flic derrière chaque candidat au suicide et que la démocratie reste empêtrée dans le principe de la liberté individuelle, hors de question de mettre des mesures en place qui consisteraient à récolter du renseignement par tous les moyens, quitte à devoir ficher momentanément des personnes non concernées. Très vite la C.N.I.L, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, de nombreux avocats monteraient au créneau. Nombreux seraient aussi les partis politiques à refuser ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une atteinte aux libertés. Maintenant mettons-nous dans la peau de ceux qui doivent assurer la protection des citoyens, ceux qui doivent en permanence "rechercher une aiguille dans une botte de foin"...

La démocratie participative ou non est merveilleuse à condition que "l' homme soit bon", aimant de son prochain, éduqué et non formaté, cultivé, pacifique, avec un code mettant l'humain et l'écologie au centre du développement. Les faits divers, l'état de notre société et son évolution montre néanmoins que nous ne sommes pas trop engagés sur ce chemin. Rousseau aura encore de beaux jours devant lui, ce n'est pas demain la veille que l'homme fera plus de bien que de mal.

Maintenant, il est à mon sens aisé de comprendre pourquoi soixante cinq millions d'individus ont du mal à s'entendre sur des objectifs communs. Il suffit de reprendre en compte le dessin de Schulz avec mon ami Snoopy couché sur sa niche les mains croisées sous la nuque face au soleil, disant "Décidément nous n'avons pas les mêmes valeurs", cf image jointe.

Les foules choquées par les actes terroristes aveugles qui ont frappé le pays cette semaine partagent effectivement et sincèrement pour le plus grand nombre un certain nombre de valeurs autour du "vivre ensemble". Mais combien de milliers ou millions de personnes ont un autre système de valeurs, des croyances, morales, éthiques, spiritualités différentes ? Mais combien de personnes ont une manière d'être et d'agir différente avec des idéaux et des conduites différentes ? Nous oublions pris par l'émotion que chaque individu a ce qu'on appelle son propre "cadre de référence" qui lui vient entre autre de ses origines, de son appartenance culturelle, de l'environnement familial et relationnel, de l'éducation, de ses valeurs, son vécu, ses attentes et désirs. autant de graines pour faire selon l'histoire de chacun, germer, ce que notre système nomme du terrorisme.

Le sociologue Shalom Schwartz (cf lien), a recensé dix valeurs universelles communes à tous : la bienveillance, l'autonomie, la conformité, la réussite, la stimulation, l'universalisme, l'hédonisme, la tradition, le pouvoir, la sécurité. On comprend dès lors aisément pourquoi aujourd'hui, les Français prônent à 97% l'unité nationale, ce qui est un signal au demeurant optimiste. Mais quid des deux millions restants ?

C'est vraisemblablement bien là que se trouve la question fondamentale pour nos politiques et les Français. Les uns oseront-ils prendre les mesures indispensables destinées à couper ou limiter au plus bas des actes sanglants et concernant potentiellement quelques milliers de personnes ? Les autres accepteront-ils, au titre de leur sécurité, de perdre éventuellement quelques onces de "libertés" ?

Gageons que dans quelques temps, les politiques, les forces dites vives de la Nation, la société participative oublieront hélas que garantir des valeurs fondamentales, soit des aspirations des peuples, a un prix, que personne pourtant ne voudra trop payer...

C'est à ce niveau que le risque est aussi présent de voir, en cas de mauvais choix, la démocratie passer dans un futur possible vers la démocratitude, deux mots clés du pouvoir, démocra(tie) et (dicta)ture.

Démocratie ou démocrature ?
Tag(s) : #Société
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