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Ci-après la dernière chronique publiée dans la revue Infos'Chasse 67, rubrique dans l’œil du viseur :

Avant propos :

Quand sortira ce dernier numéro de l'année, une partie des chasseurs bas-rhinois sera "servie" en territoire(s) de chasse, d'autres seront encore dans l'attente de couronner de succès ou pas, le dépôt requis de leurs dossiers pour les adjudications dorénavant ouvertes. Le premier gagnant est déjà connu, ce sont les Dernières Nouvelles d'Alsace qui d'octobre à décembre ont enregistré en continue des dépôts d'annonces des mairies en quête de repreneurs.

A la lecture des annonces parues, juste deux observations, de nombreuses adjudications vont se faire sans dépôt de droit de priorité de l'ancien locataire et le premier critère recherché par les Maires sont "les actions menées contre les dégâts de gibiers". Deux indicateurs pour faire réfléchir chaque candidat et lui faire poser les bonnes questions, même lorsque le prix est alléchant. Comme pour le Black Friday, toutes les bonnes affaires ne sont pas bonnes à prendre.

La chasse entre tradition et recherche d'une nouvelle image :

Mais là ne sera pas mon propos du mois, je mets dans l’œil du viseur pour cette fin d'année, le mal que j'ai avec la chasse "produit Web 2.0" qui, à travers influenceurs, drivés par des agences de publicité, se met en permanence mondialement en avant pour alimenter les médias sociaux. Souvent le placement de produits n'est pas loin et la chasse mise en scène ne fait pas diminuer pour autant controverses et oppositions. Oui, le secteur de la chasse fait parler et alimente  les réseaux comme tout autre sujet médiatique en vogue. Oui, rendre visible un secteur en croissance peut aider à la notoriété. Oui, l'acte final de la chasse a pour vocation décriée par les opposants d'ôter la vie à un animal, qu'il soit sauvage ou d'élevage. Pour autant faut-il tomber dans le piège des temps actuels d'une société qui demande de justifier tout acte, de tout expliquer ? Faut-il sortir de la chasse tradition pour aller vers une nouvelle image de la chasse "sans fautes" ? La jeune génération élevée et rodée aux réseaux sociaux, intelligemment aidée en cela par le smartphone et le business des fabricants, avec des Go-pros et des caméras intégrées aux lunettes de visée, est dans ce sens un bon client. Clics, likes et le rêve de pouvoir vivre de l'influence poussent sans doute à produire des YouTube et des posts. Pourquoi pas, si le piège du discours convenu et souvent répété par les uns et les autres autour des mêmes thèmes qui vont du rapport à la nature, du besoin de sa protection, à la découverte de la cuisine de la viande de gibier, ne donnait pas le sentiment d'une leçon récitée, reprise par le plus grand nombre. Vouloir montrer par l'image soigneusement travaillée et sans trop de sang que la chasse n'est pas ce que lui reproche ses opposants, peut aussi devenir contre productif. 

De la chasse ou du "tiré" :

Il fut un temps où la société fonctionnait et apprenait sans tutos  et mises en scène.  Pour être en droit de sortir avec une arme afin de courir bois et champs, il suffisait de remplir et signer un Cerfa, validé par la sous-préfecture. A l’âge légal de décrocher son premier permis, le "savoir écologique", l'expérience était déjà acquise pour beaucoup à travers des éducateurs appelés la famille, la vie rurale, le terrain et pourquoi pas le braconnage. Ces anciennes générations incarnaient ce que Charles Stépanoff appelledans son livre, l'animal et la mort, "la chasse terrestre" fondée sur une relation triadique hommes-animaux-terre. Pour lui, il n'y a pas d'accès aux animaux sans passer par l'intimité avec le territoire. "Ce sont la fréquentation des lieux et le travail conduit toute l'année sur le territoire qui légitiment la chasse terrestre et la distinguent de la chasse commerciale et du safari centrés sur une rencontre ponctuelle avec un animal inconnu sur un territoire éloigné du lieu de vie". C'est cette chasse terrestre qui a développé la chasse d'instinct, celle où le chasseur cherche à entrer dans la tête de l'animal convoité ou qui le fait développer des stratégies. On est loin de la chasse d'abattage vers laquelle est conduite la chasse d'aujourd'hui à grands renforts d'articles et d'annexes dans les Cahiers des charges communaux ou domaniaux et les contrats privés de gestion. On est loin de la chasse contrainte dictée par des objectifs sylvicoles et la gestion des dégâts où l'animal devient simple matière. On est loin de la chasse apprise à travers des modules accélérés du permis, ce qui n'est pas un reproche, mais une nécessaire adaptation à la transformation de la société devenue urbaine et de moins en moins rurale (sondage IPSOS/LPO, près de 70 % de chasseurs sont urbains). L'examen au permis de chasse n'a pas été mis en place par les politiques pour former de bons chasseurs, comme une école forme à un métier, mais pour pouvoir continuer à exister face aux risques d'accidents liés à l'usage des armes et face à la société qui veut le libre accès à la nature et la fin "angélique" de la chasse. Le permis de chasse est fait pour avant tout éviter des "comportements dangereux", pas pour former à une culture de la chasse. Or, sur un plan de la sémantique, tirer et chasser n'ont pas la même signification, même si la mort est au bout de l'un et l'autre acte. On peut-être un excellent tireur sans pour autant être dans la maîtrise de l'art de la chasse.

Envoyer plus ou moins loin un projectile au moyen d'une arme, fusil, carabine, arc, arbalète, fronde, c'est tirer, c'est de l'adresse. Poursuivre individuellement ou collectivement avec succès ou pas, un animal ou un oiseau au moyen d'une arme, d'un rapace, d'un cheval d'un chien, c'est chasser, c'est une culture. On pourrait ajouter, déterrer, mettre un piège, poser un collet, braconner, (non pas au thermique, lol)... mais à l'ancienne, c'est aussi chasser .

En mai 2013, en prévision des adjudications de 2015-2024, j'avais publié un article à ce sujet, intitulé "de la chasse ou du tiré, un choix pour le futur", https://www.veillecynegetique67.com/de-la-chasse-ou-du-tir%C3%A9-un-choix-pour-le-futur. Le défi à gagner est inchangé, rester dans la cynégétique, l'art de chasser pour sortir des têtes du grand public l'image réduite de la chasse, "juste une traque d'animaux dans le but de les capturer ou de les abattre, les manger ou les détruire"

"On aime mieux la chasse que la prise", disait Blaise Pascal, presque une "punch line" ou un slogan du passé pour l'avenir !

Joyeuses fêtes de fin d'année.

Tag(s) : #Articles pour Infos'Chasse 67
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