
Le 27 septembre dernier, j'ai alerté les chasseurs sur le futur plan quinquennal Etat-ONF qui vise en particulier un objectif à atteindre entre 2026 et 2030 en forêts domaniales, l'extermination du grand gibier, à travers ce que l'Administration nomme dans son rapport un "choc de régulation" de l'ensemble de nos grands gibiers en forêts domaniales. S'en est suivi une série d'autres articles sur l'idée de boycott des messes de la saint Hubert, la sortie d'une pétition nationale, une causerie sur l'emprise sur nos vies des systèmes politiques, sociaux et autres à partir de pensées de Jiddu Krishnamurti... Sans doute nombre de lecteurs n'ont pas trop compris ou suivi mon fil conducteur en tête, car j'en avais bien un, notamment dans la perspective du prochain article à préparer pour la dernière parution de l'année de notre revue de chasse Infos'Chasse 67 et à court terme de la célébration en grande pompe de la messe de saint Hubert en la cathédrale de Strasbourg https://www.dna.fr/culture-loisirs/2025/11/04/celebration-de-la-saint-hubert-vendredi-a-la-cathedrale-de-strasbourg. Face à ce qui tient du parjure, du moins de la violation de serment, en tout cas de l'hypocrisie, j'anticipe donc la parution de mon article prévu pour les lecteurs du blog, selon le principe "ce qui est fait, n'est plus à faire" :
"Qui parmi nous connaît le Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER) et mieux encore ses travaux ? Sans doute pas grand monde, le chasseur s'intéressant avant tout à son territoire et que trop peu à ce qui se mijote au-delà de la ligne bleue des Vosges. Dommage car soit les bonnes nouvelles, façon de parler, sur le front de la chasse viennent de Bruxelles, soit de Paris, en l’occurrence du Ministère de l'Agriculture, plus exactement d'un service d'experts de l'Administration centrale penché sur le berceau de l'ONF et le futur plan quinquennal 2026-2030 Etat-ONF. Sur la base du constat du plan antérieur qui décrète que la forêt pousse mal et ne se régénère pas assez, la sentence prononcée dans son rapport est brutale, la dent et le ventre des ongulés sont responsables du mauvais état de la forêt et de son empêchement de croître, de ruiner les investissements financiers dans le bois. Le temps est donc venu de sévir, soit de provoquer ce que les conseillers du Ministère de l'agriculture appellent un "choc de régulation" des sangliers-chevreuils-cervidés. En clair, l'heure est à la mise en place de mesures draconiennes non négociables dans les forêts domaniales sur la base de la conquête du Far West américain qui préconisait que "tout Indien mort était un bon indien"...
Bien sûr, ce n'est pas ainsi que l'Administration s'exprime, le terme exacte est "expérimenter de nouveaux dispositifs"...
en l’occurrence :
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augmenter significativement des prélèvements sur les groupes matriarcaux (biches et faons) durant plusieurs saisons, mesure couplée avec des dispositifs de suivi de la dynamique des populations ;
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classer temporairement et localement des cerfs ou des chevreuils en espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), par arrêté préfectoral ou suppression temporaire et localisée des plans de chasse ;
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alléger des sanctions en cas de tir hors quota, par exemple en permettant la réalisation des plans de chasse de façon « glissante » sur 3 ans, à l’instar de ce qui se fait pour le sanglier, facilitation d’obtention de bracelets supplémentaires en cours de saison et des tirs ciblés dans les zones sensibles en phase de renouvellement forestier.
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développer des circuits de distribution de venaison ;
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former des chasseurs aux besoins de la forêt,
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obtention du permis de chasse pour les forestiers…
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augmenter les planchers et plafonds d’attribution de bracelets pour que les fédérations départementales de chasseurs (FDC) fixent des plans de chasse plus ambitieux et des obligations de résultats pour les bénéficiaires des plans de chasse (article L. 425-5-1 du code de l’environnement). Un bilan national annuel de la mise en œuvre de ces dispositions devra être réalisé ;
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faire respecter l’interdiction de l’agrainage et de l’affouragement dans les secteurs sensibles qui sera bien contrôlé (par les agents de l’OFB ou des agents des DDT-
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Faire du rétablissement de l’équilibre forêt-ongulés une priorité appuyée à court terme sur un « choc de régulation des ongulés sauvages » porté par les préfets dans toutes les zones en fort déséquilibre.
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Élaborer un plan d’action global pour inscrire cette régulation dans la durée
"What else", dirait un célèbre acteur américain, si ce n'est rien, circulez, la sentence "à mort" est prononcée, la messe des grands ongulés est dite, de quoi faire sortir de son sommeil éternel, saint Hubert auprès duquel les chasseurs adressent une prière, chaque année en la cathédrale, début novembre au cours d'une messe et qui avec aujourd'hui la manière de voir le grand gibier cause de tous les tourments de l'économie forestière devient hypocrite, du mois contradictoire. Petit rappel de la supplique à saint Hubert :
"« Ô Saint Hubert, notre patron et protecteur, Toi qui as reçu la grâce de la conversion lors de la chasse, et qui as trouvé en Dieu la paix et la lumière, Veille sur nous en cette journée où nous pénétrons les bois et les champs. Accorde-nous le respect de la création et le souci de protéger la nature et les animaux. Garde-nous de toute imprudence et de tout excès, afin que notre chasse soit juste et responsable. Fais que nous chassions avec humilité, dans le respect de la vie que Dieu a créée, et avec gratitude pour les bienfaits de la nature. Donne-nous un cœur plein de reconnaissance pour ce que nous recevons de la terre. Que notre esprit reste toujours calme et maître de lui-même et que la joie de la chasse ne nous éloigne jamais de l’amour du prochain et du respect de la création. Protège-nous des dangers et ramène-nous sains et saufs auprès de nos familles. Saint Hubert, intercède pour nous auprès du Seigneur pour qu’il nous accorde sa bénédiction en ce jour. Amen"
Vraiment Amen ou plutôt Saint Pierre, sors de nos corps, nous, qui comme toi, sommes capables, faufilés en la cathédrale par manque de courage de renier notre foi en une chasse de passion avec de profondes valeurs. Pas sûr qu'un coq se lèvera non plus quelque part pour chanter deux fois et conduire l'ONF au repentir et à la résurrection de la chasse ! Si la chasse et ses chasseurs étaient conséquents, la moindre des choses aurait été de déchirer les invitations aux messes de saint Hubert, de les boycotter, de ne pas les financer et de faire connaître les raisons au grand public. On ne peut être ostentatoirement fier d'être chasseur avec des principes et des valeurs et à la fois le bourreau d'une chasse défendable. Si une imploration face public n'est qu'un alignement de mots, une occasion annuelle de se rassembler comme pour un verre de l'amitié, alors on se vend au folklore, on s'inscrit tout juste dans ce que les journalistes appellent un marronnier, resservi chaque année au même moment avec les mêmes images, mais pas dans la foi en des convictions (qui je sais remplissent les cimetières !)
Les mots ont un sens, à défaut on va dans le bla-bla-bla. Un discours, un écrit ne peut non plus être mensonger, sauf à être démagogue ou politique, (les deux allant souvent de paire). Un engagement traduit un choix actif et responsable, l'erreur est de le mêler au "en même temps". Dans ce sens, c'est peut-être l'erreur faite aussi par la charte de l'ANCGG qui se veut consensuelle ce qui aujourd’hui la piège. Pour elle le grand gibier constitue « un admirable patrimoine naturel » à sauvegarder et doit être maintenu aussi abondant que possible, mais d’ajouter que la chasse « doit également veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la pérennité de la forêt et à ce que les légitimes intérêts des agriculteurs et des sylviculteurs ne soient pas lésés ». Sur le papier, on est sans doute dans l’esprit de François Sommer qui a conduit à la notion de reconstitution d’un patrimoine d’ongulés partout en France, mais dans la réalité d’aujourd’hui, la charte fait « bisounours » et ne peut que plaire ou faire sourire d'aise l'Administration.
Aujourd'hui deux chasses s'opposent, la chasse/passion et la chasse/gestion. Pour l'Administration, c'est clair, direct avec un poids des mots recherchés, sans place au "en même temps". Forcément, sauf à être opportuniste ou viandard, nous sommes heurtés frontalement, lorsqu'on nous demande de nous renier, qu'on nous fait comprendre que nous chassons mal, que cervidés et chevreuils sont à traiter en ESOD, que la femelle suitée est à tirer avant le faon, à l'exemple de ce qui s'est pratiqué l'an dernier à La Petite Pierre. Nous restons et nous sommes, du moins encore un certain nombre d'entre nous, dans la chasse/instinct et non dans la chasse/destruction. Nos anciens ont chassé sans avoir jamais entendu parler d'obligation d'équilibre agro-sylvo cynégétique, de quotas, ils savaient ce qu'il fallait faire. Ce sont nos dérives, l'argent qui nous ont mis dans la misère avec l'obligation maintenant d'atteindre rapidement des "plus bas" à travers un ordre de tuer, à défaut d'autres le feront à notre place. Alors l'invocation à saint Hubert...
Nous sommes cernés enfermés par ce qu'on appelle le "système" qui mieux que nous sait résoudre les problèmes, en l’occurrence celui de la forêt. Le drame de tout système, qu'il soit politique, social, religieux, vous et moi ne comptons pas, c'est l'autorité, le pouvoir qui prédominent et sacrifient donc le chasseur gestionnaire et sa faune. En matière de responsabilité civile, c'est celui qui casse, qui paye, nous avons, selon le système, cassé la forêt, donc nous allons payer. Dans les Infos'Chasse n°109 et 110, j'ai essayé d'avancer une argumentation différente sur le mal de la forêt et les causes qui mettent le gibier au piloris, mais "vous et moi" ne comptons pas, le système dit "coupe, bébé, coupe et ne veut entendre chanter, nous sommes le cerf, le chêne, l'oiseau"... et c'est ainsi que ça se passera, puisque nous avons fini par tout accepter et tout approuver. Amen.
Maintenant que faire, quelles réponses apporter au "choc de régulation" voulu par Etat et à appliquer par l'ONF ? Sur un plan local, venir en masse aux messes de saint Hubert programmées à partir d'octobre mais en restant à l'extérieur des églises ou sur le parvis de la cathédrale de Strasbourg aurait été, à mon sens, une bonne occasion de sensibiliser en un coup, médias et grand public à la volonté de l'Administration de gérer à l'avenir les forêts domaniales sans grand gibier. De plus, la messe de la saint Hubert est organisée par les lieutenants de louveterie, soit le bras armé du Préfet chargé des contrôles. Sur un plan plus général, ce qu'on peut lire le plus souvent sur les réseaux sociaux en réaction au "choc de régulation", c'est de faire une année blanche, soit pas de tir des ongulés pendant un an. Abandonner les lots de chasse serait, à mon sens, plus marquant, surtout en ne pas les relouant. Quant à l'option "pétition", qui a envie de le faire ou est suffisamment légitime ou reconnu sur un plan national ? N'est pas Brigitte Bardot qui veut !
Une chose est sûre la chasse n'est pas au rendez-vous, pourtant accepter sera sauter et l'aiguille de l'horloge de la pérennité de la chasse est sur le point de sonner minuit. En trouvant toujours une excuse pour ne pas se mettre en face, peut-être actuellement la finalisation du nouveau Schéma Cynégétique, on finit par oublier que la destiné du mouton est de se faire tondre !
Quant à moi, je m'interroge plus que jamais sur la pertinence d'écrire des articles, j'ai le sentiment, comme du temps de ma bataille contre la gestion financière des dégâts de sangliers par le FIDS 67, d'être comme il m'a été dit, juste "un clown", même si d'autres considèrent ma plume comme l'expression d'une opinion qui dit tout haut, ce que beaucoup pensent tout bas. C'est ce qu'on appelle le blues du blogueur".
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