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Le monde de la chasse est fait par les hommes qui composent le milieu. La nature humaine étant ce qu'elle est, vous allez donc forcément y trouver du bon comme du mauvais. On a beau être conscient de cette évidence, c'est toujours exécrable d'être confronté directement à la fange de l'humanité, comme c'est le cas dans l'histoire du jour avec à l'origine un "braco-viandeur", comme il en existe encore beaucoup parmi les chasseurs. Si d'aventure, ce "misérable" devait tomber un jour, c'est sans circonstances atténuantes et avec la plus grande sévérité. Au jour d'aujourd'hui, je ne suis pas certain qu'il ait conscience de la pauvreté de sa personne et de l'atteinte qu'il porte à l'image d'une communauté en quête de respectabilité.

Par ailleurs, cette histoire, simple au départ, montre aussi comment il est possible de se retrouver très vite dans une position de "présumé" coupable, du fait uniquement d'un mauvais choix ou d'un choix altruiste au départ de l'affaire, et qui s'avère mauvais à l'arrivée.

J'ai, comme vous avez pu vous en rendre compte dans certains articles, un territoire exclusivement de plaine adossé à une sortie de forêt du grand massif boisé de Haguenau. Cet immense territoire, aux essences d'arbres variés, est connue pour abriter des cervidés en certains endroits, chassés en période d'ouverture sans plan de chasse, l'O.N.F. ne souhaitant voir se développer une véritable population fixe.

La domaniale voisine de ma plaine voit fréquemment en période d'été, près de ma sortie de forêt séparée par une rivière la venue discrète d'un ou plusieurs coiffés le temps des refaits et avant de chercher biche à son pied. Malgré la proximité des cultures, prés et céréales, historiquement jamais un cervidé n'a mis un sabot dehors, je suppose pas ou plus habitué aux territoires ouverts.

Quand donc un agriculteur me signale un chevreuil mort dans la rivière, rien ne peut me faire penser que j'allais en fait découvrir un jeune huit cors en velours avec une balle quasi-mortelle (cf photos). Face au triste spectacle d'un aussi bel animal déjà en décomposition et sérieusement entouré de mouches, la première pensée va forcément vers "l'enfoiré" qui a pu en cette période de fermeture taper un cerf en velours ? Les autres questions plus proches d'un enquêteur suivent tout aussi vite. Quel est le sens d'un tel acte, où, quand, comment ?

Il s'avère que cette domaniale a été réattribuée au printemps dernier, mais j'étais plutôt heureux et confiant après la rencontre en mai du nouveau locataire, convaincu d'avoir à faire à un chasseur et non à nouveau à un voisin. N'avions-nous pas reconduit une partie de l'accord que j'avais précédemment mis en place et qui consistait pour l'essentiel à mettre en œuvre les moyens les plus efficaces pour limiter les dégâts de sangliers ? Ainsi les miradors et échelles restaient en place en lisière de forêt pour pouvoir intervenir dès le passage de l'eau et avant l'entrée dans les cultures, avec en retour la parole d'hommes que ne sera tiré aucun chevreuil de ces emplacements et la possibilité pour lui de venir faire des affûts, voire de tirer un brocard en sortie s'il le souhaitait et de participer à nos sorties petit gibier.

Compte tenu de ces prémices et du sentiment de confiance, voire de certitude d'avoir en forêt un chasseur digne de ce nom, il me paraissait impensable de m'être trompé sur l'homme rencontré longuement. Il n'entrait en ligne de compte comme tireur et n'avait a priori aucun partenaire. Pourtant les indices prêtaient au doute, le cerf regardait en direction de la plaine, j'avais entendu quinze jours avant deux coups de feu venant de la forêt dont un très près de la limite vers l'endroit du cadavre et un troisième attribué à l'autre voisin de la plaine, mais avec un sérieux doute dès le départ, car après le tir aucun mouvement de lumière ou de voiture n'a été perçu, ce qui était inhabituel.

Le premier réflexe fut de prévenir la police de la chasse, mais nouvelle relation franche et cordiale oblige, voire conviction que l'auteur ne pouvait être le nouvel adjudicataire, je décidais d'en parler au préalable à ce dernier. Au final, comme l'animal venait de la forêt, c'est ce dernier qui se chargea de prévenir l'ONF qui elle prévint l'ONCFS.

Bien que le rendez-vous ait eu lieu sur ma chasse entre le nouveau locataire et l'agent de l'Office, je ne fus pas convié, ni même mis au courant. Première erreur.

Sur place les deux décidèrent de sortir la bête de la rivière à l'aide d'un treuil, pour l'étudier de plus près et garantir la qualité de l'eau, à charge de la commune de prendre en compte la carcasse, ce qui au demeurant fut fait selon la procédure de ramassage des services d’équarrissage.

Conclusions de l'enquête :

  • l'angle de l'impact montre que le cervidé a été tiré à partir d'un mirador, nous en avons un juste à côté
  • vu l'emplacement de la balle, il n'a pas fait plus de cinquante à cent mètres maximum avant de s'écrouler
  • il a donc été tiré dans le blé, soit de mon côté, en atteste des empreintes de gibier rouge
  • les miradors placés en limite sont à enlever ou à déplacer à cent mètres, l'ONF et l'ONCFS oublient seulement qu'il y a eu accord entre voisins, à moins que celui-ci ait maintenant l'envie de le casser

Que jamais personne n'a vu, du matin au soir ou dans la nuit un cervidé hors de la forêt a été contredit par le détenteur de la forêt qui de la route en a déjà aperçu, soi-disant, donc parole contre vécu et historique

Que personne n'a été à l'affût sur cette partie de chasse, soit aucun tir effectué, car à la période du braconnage le blé n'était pas encore en laitance et donc attractif n'a pas été pris en compte

Que trois tirs en forêt ont été signalés dans la période concernée du braconnage, dont un correspondant à l'endroit supposé n'a pas ému plus que cela, alors que, chose que nous ne savions pas, le nouvel arrivant n'a pas encore chassé, ce qui prouve qu'il y a bien eu braconnage sur sa chasse durant son absence.

Qu'aucun foulement ou écrasement de blés ne soit visible, alors que ce cerf a dû s'écrouler puis se relever avant de foncer dans un dernier sursaut, n'interpelle pas

Qu'il a plu depuis l'acte de braconnage puis fait sec ce qui ne permet de lire correctement une trace maintenant soit quinze à vingt jours plus tard, alors que ce blé n'est fréquenté que par deux jeunes brocards, une chevrette avec deux faons et les sangliers. Je suis assez longtemps chasseur pour savoir identifier les empreintes du grand gibier et détecter une présence de dégâts, car si ce cerf était vraiment venue se servir, on l'aurait vu sur les épis et par les voies laissées.

Qu'il existe des échelles transportables et camouflables après chaque utilisation en toute discrétion

Q'un cervidé ça s'attire par attractifs ou gourmandises appréciées

Que si ce cerf avait été tiré illégalement par moi, nous ne l'aurions certainement pas laissé dans l'eau, alors que de la forêt il était inextricable

Enfin qu'il m'a été demandé avant cette histoire, d'avertir à toutes fins utiles le nouvel adjudicataire, qu'il avait peut être une brebis galeuse dans son équipe, connue depuis longtemps et suivie par la police de la chasse.

C'est ce dernier aspect qui m'avait au final dicté le choix de ne pas entrer directement en contact avec la police de la chasse et de voir avant ce que le gestionnaire de la domaniale pouvait penser de "la rumeur" .

Certes, à ce stade de l'affaire il est prématuré, au titre de la présomption d'innocence, si chère à nos politiques, d'attribuer concrètement cet acte lamentable à quelqu'un de précis. Certaines similitudes avec d'autres affaires et le "modus operandi" laissent tout de même penser à un pseudo chasseur bien connu, présent sur cette zone, en déficit vraisemblablement de valeurs personnelles et d'estime de soi.

La seule certitude que j'ai,

  • c'est qu'il n'y a jamais eu de cerfs en plaine,
  • que nous sommes trois amis à sortir, l'un est jeune père de famille, au travail de 7 h du matin à 19h et n'a pas le temps de sortir, à l'exception du vendredi soir en ma présence,
  • que le deuxième, effectivement ancien garde du lot domaniale ce qui peut le rendre soupçonnable, a été en fauteuil roulant pendant deux mois suite à une intervention chirurgicale sur un tibia et boîte de ce fait après effort ou marche et ne sort qu'au renard par ce qu'en cas de tir il n'a pas de charge lourde à transporter, alors un cerf de 120 kgs...
  • que vue mon omni-présence sur le territoire, largement connue de tous ceux qui à un titre ou un autre viennent sur ce secteur et les 55 sorties de nuit attestées, il serait étonnant qu'un braconnier "extérieur" viennent tirer un cerf que personnellement je n'ai jamais vu... et je ne crois pas être absent de compétence pour à un moment détecter un animal quel qu'il soit.
  • reste donc que moi. Même si une bête paraît-il sommeille en tout homme, même pas en rêve je n'irai me mettre dans un état de stress pour un cerf en velours. Qu'on me soupçonnerait avec l'ancien garde éventuellement, après l'ouverture en août, je pourrais encore le concevoir, mais là c'est tout simplement offensant.

Dès lors, pourquoi "chercher les poux" du cerf chez nous ?

Parce que nous avons un mirador uniquement destiné à empêcher les dégâts de sangliers à côté de la chute mortelle du cerf ? Admettons.

Dans ce sens, j'ai l'impression de vivre le sketche de la chauve-souris de Bigeard (cf lien pour le plaisir), où le simple bon sens peut toujours être remis en cause jusqu'à l'absurde.

Histoire lamentable d'un braconnage de cerf, avec effet collatéral
Tag(s) : #Billet d'humeur, #De ma vie
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