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Pas besoin de sortir de polytechnique ou d'avoir fait Sciences-Po, pour comprendre pourquoi une partie du petit peuple arbore des gilets jaunes, pourquoi ce mouvement de protestation issu des réseaux sociaux est devenu une jaquerie des classes petites et moyennes.

Tout le monde n'étant pas gagnant du loto, une star du sport business ou du Cac 40 ou un élu de la politique avec les moyens qui vont avec, il suffit de faire un suivi de son budget familial, avec un tableau excel ou un logiciel dédié pour se rendre compte qu'il devient de plus en plus difficile pour beaucoup de ménages de joindre les deux bouts sur une année. Il suffit de regarder ce que manger-boire-dormir ponctionne quotidiennement, mensuellement, annuellement. Un litre de lait revient aux alentours de 6 francs, tout comme la baguette et le croissant, quant à la plaquette de beurre c'est le double et nous n'en sommes qu'au petit déjeuner et encore sans confiture, fruit ni café ou chocolat !

Alors lorsque le besoin de se déplacer au quotidien coûte un bras aux enfants de la République, car l'Etat trouve dans la taxation de l'essence sa vache à lait, cela finit par faire rapidement désordre dans le budget familial, cela cloue la vision de l'Etat de la transition écologique par la taxation au piloris, car là on ne parle plus de quelques francs, mais de plus de 400-500-600 par plein. Mettez deux véhicules par foyer... bonjour les dégâts. Vous avez beau suivre la théorie du Belge qui "s'en fout de l'augmentation de l'essence car il en prend toujours pour vingt euros", à la longue ça finit par coincer malgré tout !

Aujourd'hui, peu importe le secteur économique, les prix ne sont plus en corrélation avec le pouvoir d'achat. La faute au passage à l'euro, sans doute, au lent endormissement de la grenouille qui de l'eau froide est mise dans l'eau tiède par le politique pour progressivement pouvoir mieux la cuire, certainement, au regard du déficit croissant de l'Etat en mal d'argent, à une politique de fixation des prix qui ne veulent plus rien dire tant le marketing et la pub ont pris le pouvoir partout (cf "Black Friday", remises, promos, soldes etc...).

Le pays a mal, il gronde à la base, mais le pouvoir reste sourd peut-être parce que tout simplement il ne sait répondre au "particularisme gaulois", "comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage"  ? C'était déjà compliqué du temps du "Grand Charles" que le peuple de mai 68 a débarqué, alors réformer aujourd'hui avec en plus une 259ième variété qui porte le nom de réseaux sociaux qui soit dit en passant enrichissent ceux qui les ont créés, pensez donc !

Depuis le 15 novembre, l'Etat n'a plus un euro dans le coffre, toutes les ressources fiscales sont épuisées et Bercy va devoir vivre à crédit jusqu'à la fin de l'année bien que nous sommes le pays le plus taxé au monde avec 45% de notre PIB... trouvez l'erreur. Est-elle dans le manque de taxation ou dans le refus ou l'impossibilité politique des élus en place s'ils veulent espérer rester au pouvoir, de réformer par la dépense ? Touchez à la déduction fiscale de la rémunération des Maires des petites communes et ca gueule, touchez aux nombres de fonctionnaires et ça monte aux créneaux partout, tentez une réforme du statut d'une classe privilégiée et ca "grève" ou défile dans la rue, abordez le sujet des niches fiscales et c'est un tollé, bref tout le monde demande une réduction du train de vie de l'Etat tant que cela ne touche personne !

Ce mal endémique français avec un poids de l'impôt sur les épaules de seulement  42,3% des Français fracture de plus en plus la société, sur fond de vieilles luttes des classes ou de pauvre contre riche et ouvre petit à petit les portes du pire. Au final c'est tout le système démocratique qui est en danger.

Je ne suis pas fan des approches d'Aymeric Caron, mais j'avoue qu'un passage de son livre Utopia XXI donne à réfléchir, en tout cas doit interpeller, c'est celui sur l'absence de régime politique où "savoir et raison sont au pouvoir". Son raisonnement se base sur l'histoire suivante :

"Imaginez trois passagers d'un navire de plaisance échoués sur une île déserte après le naufrage de leur embarcation. Le courant a charrié sur la plage quelques affaires parmi lesquelles une fusée de détresse. Une seule. Les semaines passent, aucun bateau à l'horizon. Il n'y a presque rien à manger sur l'îlot : la faim affaiblit bientôt les naufragés.  Un jour l'un d'entre eux, en proie à des hallucinations est persuadé d'apercevoir enfin un navire à l'horizon. Il veut déclencher la fusée pour alerter l'équipage. Le deuxième naufragé s'y oppose fermement : il est encore lucide et se rend compte que son camarade divague. Le troisième est ennuyé car il est myope : il ne voit pas à plus de dix mètres et a perdu ses lunettes lorsqu'il a chaviré. Il ne sait trop à qui faire confiance, d'autant que celui qui délire est très persuasif : il décrit même la couleur et la forme du bateau qu'il croit voir. L'indécis se laisse finalement convaincre. Un vote a lieu qui donne deux voix contre une : malgré les protestations du plus lucide des  trois protagonistes, sûr et certain que ses deux camarades se trompent. Le feu de détresse est déclenché, en vain évidemment. Le lendemain un cargo apparaît pour de bon à quelques miles. Hélas les naufragés n'ont plus aucun moyen de se faire remarquer de leurs éventuels sauveteurs. Ils n'ont plus aucune chance de s'en sortir. La décision de la veille était mauvaise, mais démocratique. Le naufragé qui avait raison, mais dont la proposition n'avait recueilli que 33,33% est condamné par le manque de clairvoyance de ses concitoyens de l'île déserte".

Notre système actuel basé sur la démocratie veut que la voix de chaque citoyen en âge de voter compte autant que celle de n'importe quel autre. Dans l'exemple raconté, ce système finit par devenir stupide, en tout cas injuste, au point de mettre à mal "la démocratie rêvée".

Là où cela devient dès lors compliqué dans notre société actuelle qui veut prôner à tout prix l'égalité des citoyens c'est qu'il faut à la fois oser dire politiquement et accepter que tous les individus formant la République ne sont pas égaux "en capacité de juger et de décider pour le bien de la collectivité". Il suffit de regarder sur les réseaux sociaux pour en être convaincu. Chaque jour plus de 500 millions de tweets sont envoyés, plus de 180 milliards par an... Ce phénomène d'exposition spontanée de sa vie ou de ses opinions à tout le monde est en marche pour le meilleur et pour le pire. J'ai beaucoup regardé les # sur le GCO qui montrent combien il est utopique de croire que tout le monde est en capacité de juger et de décider. Les contenus fermés sont souvent liés au manque de culture, de volonté d'information et de savoir, tout comme le cadre de référence de chacun domine la raison.

C'est un état de fait dont la démocratie ne peut tenir compte "techniquement". Dans un vote, comme souligné par Aymeric Caron, elle accorde autant d'importance à l'avis d'un citoyen non informé ou désinformé ou stupide qu'à celui d'un autre individu éclairé et qui sait raisonner.

D'un point de vue éthique, cela pose au final un sérieux problème : 51% d'imbéciles peuvent commander 49% de personnes douées de raison qui "est la faculté qui nous rend capable de considérer les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, en faisant abstraction de nos préjugés, de nos intérêts, de nos sentiments"...

Morale de l'histoire : le régime idéal est au final celui capable de mettre au pouvoir savoir et raison. Rien que les clivages politiques empêchent cette utopie ! Ensuite, il suffit de regarder les questions au gouvernement ou l'attitude puérile des députés en séance pour se convaincre qu'on est bigrement loin du savoir et de la raison...

Morale de la morale : "on n'est pas dans la merde" comme le pensait le renard au milieu d'une meute de chiens de chasse à courre !

"Ceux qui disent ne savent rien, ceux qui savent ne disent rien"

Tag(s) : #Société
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