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L’envahissement de l'Ukraine par la Russie, outre l'atrocité d'une guerre inutile, la prise de conscience d'un affrontement destructeur à nouveau sur un sol européen, est également devenu un révélateur aux yeux du grand public sur combien les économies de la planète sont inter-dépendantes les unes des autres ou plus exactement combien "le business" dame le pion aux bonnes intentions, aux beaux discours et pave l'enfer de la géopolitique. Grenier à blé, quatrième exportateur mondial, la guerre a subitement rappelé aux populations que l'Ukraine est une terre nourricière de la planète et pas seulement une convoitise de Poutine. Comme le peut être un dépôt de carburant, un silo à blé devient dorénavant un objectif militaire à détruire pour créer psychose de la famine dans le monde. Faire exploser le prix de la baguette et du spaghetti peut-être aussi explosif que "braquer l'automobiliste avec un pistolet à essence" ! Les médias ne s'y trompent et commencent à s'emparer du sujet, tout comme nos politiques en campagne, autour du nationalisme, de l'auto-suffisance alimentaire, de la souveraineté nationale et de l'objectif d'indépendance d'approvisionnement pour les matières premières. 

Subitement, tout le monde prend conscience que les céréales sont des matières premières, comme le gaz ou le pétrole et qui répondent à la loi des marchés, en clair blé, colza ou autre maïs sont vendus au meilleur prix, au plus offrant. Aujourd'hui, un bon céréalier est un double actif, le jour il s’occupe de produire et la nuit, comme trader il est devant l'écran pour vendre ses stocks d'un simple clic sur le marché mondial. "Je ne suis qu'un pauvre paysan" et il faut bien gagner sa vie, l'approche ne me dérange pas, mais elle n'est pas en ligne avec ce que qui nous est chanté à chaque "bashing" de l'activité agricole ou mis en avant à chaque salon de l'agriculture.

Aujourd'hui, notre agriculture se veut nourricière de nous, mais produit en partie pour l'exportation ou pour chauffer des villes et pas forcément pour mettre la carbonara dans notre assiette avec un cahier des charges des plus contraignants pour faire du blé dur ou de la farine pour le boulanger-artisan.

Aujourd'hui et hier, notre agriculture vend ses champs à l'artificialisation pour construire des zones et des lotissements, selon le principe que derrière un acheteur, il y a toujours un vendeur et pleure de ne plus avoir suffisamment de terres.

Aujourd'hui, notre agriculture 4.0 n'arrive plus à produire plus sur ses champs, les sols sont épuisés et l'ag-tech et les engrais ne parviennent à compenser la maltraitance des terres depuis la sortie de guerre en 1945.

La référence n'est pas le B.T.P qui s'il va, tout va car tout simplement "l'argent ne se mange pas" et encore moins le béton. "Quand l'agriculture ne va pas, le reste ne peut aller. Or l'agriculture actuelle est sous perfusion de molécules chimiques, elle est hors sol, productiviste" comme le souligne, fort à propos dans une revue que je conseille à tout bon vivant Gueuleton, une éleveuse de brebis, Stéphanie Maubé, non issue du sérail.

Nos politiques savent-ils seulement de quoi ils parlent ou sont-ils de simples lecteurs de phrases toutes écrites par d'autres, lorsqu'ils promettent l'autosuffisance alimentaire qui est de  pouvoir subvenir aux besoins d’une population sans être dépendant de l’importation ? Ce n'est pas en allant serrer des mains dans la campagne avec des mises en scène souriantes et bucoliques qu'ils vont l'apprendre. Est-ce seulement possible ? Oui, mais... avant ou en même temps, il faudrait  un changement radical des habitudes alimentaires de toute la société puisque la majorité des aliments que nous consommons au quotidien sont des produits issus de l’importation et qui au passage remettrait au goût du jour l'éternel débat de l'offre crée-t-elle la demande ou la demande fait-elle l'offre qui permet de si bien tromper le consommateur devant les rayonnages remplis par l'agro-industriel ?

L'autonomie alimentaire, c'est le rêve d'une génération montante biberonnée aux crises environnementales et au réchauffement climatique, c'est le rêve des circuits courts de proximité, c'est l'espoir des AMAP. La Covid et la sortie de confinement ont montré que le chemin est encore long de la coupe aux lèvres. Pendant la crise, combien de reportages, d'articles, d'interviews, de micros trottoirs n'ont-ils pas vanté les bienfaits du petit producteur local à côté de chez soi. Qu'en est-il aujourd'hui, les parkings des supermarchés sont à nouveau bondés par facilité de pouvoir faire ses courses en une fois, avec un seul paiement au même endroit.

Alors, mesdames et messieurs les bonimenteurs de la politique, oui activez la révolution alimentaire, mais non avec des paroles, mais par un programme clair et précis sur la manière de sortir de l'agriculture conventionnelle

qui provoque la mort des sols, des sous-sols, des paysages et du vivant pour aller réellement vers une agriculture nourricière et saine des populations. A défaut "produire français", "renforcer notre indépendance", "augmenter les salaires des agriculteurs" sont tout juste des slogans de campagne électorale pour plaire à des électeurs ou au syndicat agricole majoritaire.

Utopie, simples incantations ? L'homme et le monde étant ce qu'ils sont, je ne crains que la balle de l'agro business soit bien trop lourde pour aller vers un changement de modèle, français, européen, mondial.

 

 

Tag(s) : #Société
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