Dans la foule des utilisateurs de la nature, de plus en plus nombreux sont ceux chez qui le poil se hérisse lorsqu'ils voient ou croisent un chasseur. C'est la plupart du temps dans le cadre de la chasse collective automnale et hivernale, à grand renfort de gilets oranges et d'alignements de chaises postées sur les chemins forestiers. Le sentiment que notre communauté "s'approprie la nature" est alors omniprésent chez tous ceux qui aimeraient pouvoir exploiter la nature en "open space". L'exploitation de tout accident ou simple fait divers est dès lors immédiatement exploité pour parvenir à l'objectif final devenu un sujet politique et électoral, l'abolition de la chasse.
Très peu, est attaquée la chasse individuelle par contre. Il est vrai qu'elle est encore peu pratiquée en France dite de l'intérieure, contrairement à l'Alsace/Moselle où avec la problématique du sanglier, elle est quasiment constante, de jour comme de nuit. Heureusement aussi, elle n'a jamais encore été confrontée à l'accident frappant un humain et les incidents sont donc rarement médiatisés. Conséquence, elle ne fait pas caisse de résonnance, elle est méconnue, son existence quasiment ignorée du grand public et des utilisateurs de la nature qui, lorsqu'ils vous font face, vous avancent comme excuse ou vous attaquent sur l'absence de panneau "chasse en cours"... En clair, ce n'est pas gagné !
Par le passé, lorsque les villages étaient encore entièrement entre les mains de la ruralité, les affûts du soir et la pirsch du matin se faisaient en toute quiétude. Lever et coucher du soleil rythmaient paisiblement la vie du chasseur local, alors que le monde agricole fatigué par le labeur physique en journée somnolait déjà ou encore. Les seules rencontres étaient celles que la nature voulait bien offrir au chasseur, selon son niveau de savoir faire et d'expérience.
Aujourd'hui, c'est fini, la pression humaine est constante sur la nature du matin au soir, tant par le monde agricole que par ceux qu'on appelle pudiquement "les autres utilisateurs de la nature". Les tracteurs épandent, dispersent et fauchent tard dans la nuit, les moissonneuses pareil et les rurbains "n'ont pas d'heures de sortie" pour s'adonner à la promenade, la randonnée, la goguette ou autres quelque soit le temps ou la saison. La nature a l'inconvénient d'offrir ses décors, prestations, terrains de jeu et possibilités gratuitement, sans tickets, réservations ou vigiles et tourniquets qui filtrent les entrées. Que le terrain de jeu ou de divertissement soit des terres non libres de propriétaires privés ou pas n'est plus une question. Que ces terres soient le garde manger, la chambre à coucher et la maternité de toutes les espèces vivantes, appelées biodiversité est faute de conscience et d'omnipotence d'une grande majorité mis sous le tapis.
Dans ce contexte, il est aisé de comprendre que le chasseur ne peut être qu'un empêcheur qui plus est, destructeur cruel de vie et de "biodiversité", (mot qui me hérisse de plus en plus avec "résilience" ! soit dit en passant). Que le monde agricole dans sa course à la fauche des prés à grande vitesse, avec une faucheuse à disques à l'avant et l'autre sur le côté, détruit en une fois plus de vie que ce que le chasseur individuel ne peut faire, du hérisson, aux nids d'oiseaux en tous genres, au lapereau et au faon, que le trafic routier pour transporter des marchandises, partir en vacances, aller au travail ou rentrer d'une sortie tue par millions du crapaud au cervidé pour aller du petit au plus gros, sans parler des insectes sur le pare-brise et le bas de caisse est un tabou d'un côté et à peine un "marronnier" pour les médias, d'un autre.
Dame Covid et confinement ont sans doute été un accélérateur de frénésie pour le loisir de pleine nature, mais aussi le business, selon le principe que l'offre crée la demande et qui va de la frontale, aux équipements et matériels, en passant par les volontés politiques des élus tant locaux que nationaux de rendre la campagne attractive ou désenclavée. Bien sûr ou évidemment, les réseaux sociaux tirent aussi partie du gâteau avec des offres de sorties randos partout, sans parler de chasses au trésor.
Dans ce contexte, la chasse individuelle telle que nous la préconisons et l'aimons a-t-elle seulement encore une place ? Ma réponse vous la connaissez, c'est clairement non et se traduit par un premier acte, le refus d'utiliser les bracelets chevreuils, d'un côté par réalisme, les ongulés ne se voient plus qu'après les heures légales de tir pour les raisons évoquées et de l'autre de par la configuration du territoire qui rend irresponsable et impossible le tir à balles, au regard des règles de sécurité de tir émises par l'Administration.
Chaque chasseur individuel doit pouvoir "jouir en toute quiétude" de son lot de chasse. A partir du moment où son espace de pratique pour lequel il s'engage par contrat payant devient un "open space" pour qui veut en profiter comme bon lui semble, sans contre partie , la question de la "chassabilité" d'un ban communal se pose. Si l'open space repose sur un dispositif légal qui autorise tout un chacun à aller sur l'espace privé, chemins comme terres, alors le futur Cahier des charges doit s'y référer et les clauses spécifiques du bail doivent reprendre contextuellement les freins à la chasse, commune par commune.
Au préalable, il faudra aussi que les propriétaires fonciers et les associations foncières sortent du bois, fassent leur choix par le vote quant à l'usage de leurs biens. Ils se plaignent des déjections dans les foins, des vols de légumes et de fruits et autres incivilités, mais n'en réfèrent qu'au chasseur. Autant dire qu'il y a du pain sur les planches d'ici 2024.
Maintenant, si vous lisez le programme de la NUPES qui prévoit notamment l’interdiction pure et simple de la chasse à courre, de la vénerie sous terre et l’interdiction de la chasse certains week-ends, les jours fériés et durant toutes les vacances scolaires pour débuter, la question risque de ne plus être d'actualité du tout, d'ici deux dimanches, même si tout le monde continue à penser "qu'il y aura toujours des cons parmis les chasseurs pour se lever". Peut-être pas faux, regardez les cahiers des charges de certaines forêts privées ou des domaniales et pourtant les territoires ont trouvé preneurs, à grands prix...