Ce n'est pas parce que je ne publie pas pour faire du flux, que je n'en pense pas moins et de la matière, il y en a comme de la pomme dans le calva ! L'actualité foisonne de sujets, mais comme il est dit, ils peuvent aussi fâcher, alors par les temps qui courent où s'exprimer devient critique, il peut aussi être salutaire de se taire.
Il est cependant un souvenir d'enfance qui me revient à l'esprit et qui me titille suffisamment pour que j'ouvre à nouveau la rubrique "de ma vie", parce qu'il est à la fois un retour en arrière vers le "bon vieux temps" où planètes et humains semblaient encore alignés et un contre pied à tous ceux qui aujourd'hui font de la sécheresse leurs gorges chaudes.
Sur le domaine du Comte de Beaumont à Diebolsheim, le potager avait une fonction vivrière et trois jardiniers s'en occupaient à plein temps pour que l'année soit couverte en fruits et légumes. En saison chaude, le doyen, en l'occurrence Eugène, fidèle sosie de Oliver Hardy, avec un chapeau de paille à la place du melon, venait très tôt le matin, c'est-à-dire qu'il se levait en fonction... pour ce qu'on ne voit pratiquement plus : biner, biner, biner. Toutes les plates bandes de légumes y passaient minutieusement, des petites carottes aux grandes tomates. Lorsqu'il avait fait le tour, soit l'aller-retour des deux côtés, soit la semaine, il reprenait un second tour et ainsi de suite. Se plaignait-il de la chaleur et du manque de pluie ? Aucunement, il faisait le job pour l'amour des plantes et du jardin et parce qu'il fallait le faire pour éviter les arrosages improductifs qui durcissaient la terre au lieu de parvenir aux racines profondes. Et lorsqu'il faisait vraiment un temps caniculaire, outre pour se rafraîchir, la bouteille de son vin maison plongé dans l'eau froide du bassin de la buanderie, il nouait un mouchoir trempé à l'eau froide sous le chapeau. Quelle "autophoto" ferait-il aujourd'hui !
Oui dans les années 50-60, les étés étaient aussi chauds et la sécheresse présente dans les champs, sauf qu'il n'y avait pas encore le boom des petits grains d'or, le maïs. A ce propos, lorsque les premières implantations se sont faites dans le Ried, en particulier du côté d'Obenheim-Rhinau, savez-vous comment il était planté ? Très profondément dans le sol et la terre était passée au rouleau, notamment aussi pour éviter aux faisans et corvidés la tentation d'aller chiper les grains en surface. Nous sommes loin aujourd'hui de la semence jetée à fleur de sol qui soit dit en passant et si facile à ramasser pour le sanglier et le corbeau... Le grain mettait certes un peu plus de temps à monter, mais très vite il était au contact de l'humidité et pouvait croître. Actuellement, beaucoup d'agriculteurs se plaignent de devoir ressemer le maïs, notamment ceux qui ont semé plus tardivement, soit depuis l'absence de la moindre goutte d'eau. Un retour aux fondamentaux, comme pour le jardinage n'est peut-être pas une idée si "has been". Mais voilà aujourd'hui tout est économiquement calculé, programmé 2.0, en deux passages rapides sur un champ, le semis est plié, sauf qu'au résultat, selon la qualité de la terre, ça pousse plus ou moins bien lorsque la pluie salvatrice manque et que l'irrigation devient mal venue.
Pour qu'une plante pousse, il lui faut une bonne terre au départ et des soins, or la révolution agricole de l'après guerre, sous l'influence américaine a misé sur la mécanisation et sur les intrants chimiques pour compenser bien des sols impropres à la culture ce qui a fini par tuer la vie souterraine. Aujourd'hui, on cherche à faire du retro-pédalage sans revenir aux chevaux, aux bœufs et sans l'huile de coude de l'homme, culte de la pénibilité et nouveau monde obligent; une équation pas facile à résoudre et pourtant le temps presse.